par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - "La mort habite la fonction présidentielle" : cette phrase prononcée en mars dernier par François Hollande a pris toute sa dimension avec les attentats de Paris, au coeur d'un quinquennat marqué par la guerre et le terrorisme.
"C'est une horreur" : lors de sa première intervention devant les Français, vendredi soir peu avant minuit, le président paraissait touché par l'ampleur du drame.
Le lendemain matin, il dénonçait, martial, un "acte de guerre" commis contre la France "par une armée terroriste, Daech", ennemi clairement désigné contre lequel la France agit militairement en Irak et en Syrie.
Comme après les attentats de janvier, François Hollande s'est montré réactif, se rendant rapidement sur les lieux malgré les risques pour sa sécurité. Il était dans les locaux du journal Charlie Hebdo le 7 janvier juste après la fusillade. Il est allé dès la nuit de vendredi à samedi au Bataclan, salle de spectacle où 89 personnes ont été tuées.
Après avoir proclamé l'état d'urgence, une première à l'échelle nationale depuis la guerre d'Algérie, il s'exprime pour la première fois de son mandat ce lundi devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles.
Ses conseillers se disent impressionnés par la "force calme" qui se dégage du président en ces heures historiques.
"Il doit forcément prendre énormément sur lui", dit l'un d'eux. "Il sait qu'il ne doit rien montrer de ses sentiments mais montrer de la force de la détermination : il porte sur les épaules la responsabilité de répondre à ces actes de guerre."
"LA MORT HABITE LA FONCTION PRÉSIDENTIELLE"
Les habits de "chef de guerre", François Hollande les a endossés dès janvier 2013, au moment de l'intervention armée contre les islamistes dans le nord du Mali. Cette opération avait enterré l'image de président "normal" qui avait prévalu pendant la campagne électorale, en contraste avec son prédécesseur Nicolas Sarkozy.
Plutôt inexpérimenté sur la scène internationale à son arrivée au pouvoir, François Hollande s'est rapidement retrouvé contraint de prendre ses décisions lourdes qui l'ont installé dans la fonction.
Le 2 février 2013, dans Bamako libéré des islamistes, il déclarait vivre "sans doute la journée la plus importante de (s)a vie politique."
Depuis lors, le président a lancé les opérations Barkhane pour lutter contre le terrorisme au Sahel puis Chammal contre l'Etat islamique en Irak et en Syrie.
En janvier 2015, la violence s'est déplacée sur le terrain national pour la première fois depuis son élection avec des attentats qui ont fait 17 morts, provoquant une vague d'émotion immense dans le pays.
Un moment-clé de "représidentialisation" pour François Hollande, qui reste toutefois le chef de l'Etat le plus impopulaire de la Ve République.
Dans un entretien publié trois mois après dans Society, il reconnaissait avoir été changé par la fonction.
"Voilà ce qui vous change, la mort habite la fonction présidentielle, déclarait-il. "Le président est le chef de la famille française. Il doit partager les douleurs" mais aussi "maîtriser ses émotions au nom de la raison d'Etat".
Toute l'année 2015, la tension n'est jamais retombée pour l'exécutif, confronté aux menaces d'attentat sur fond de guerre en Syrie doublée d'une crise des migrants en Europe.
Vendredi midi lors d'une cérémonie à l'Elysée, le président évoquait ces guerres "qu'on ne peut pas empêcher", en référence à Jean Jaurès qui avait tenté en vain d'empêcher celle de 1914-18.
Comme un pressentiment de ce qui allait survenir quelques heures plus tard, il évoquait "l'impuissance, parfois, des responsables politiques pour l'empêcher mais aussi le devoir de faire ce qui est nécessaire quand les valeurs les principes, les libertés sont remises en cause."
(Edité par Yves Clarisse)