Quatre-vingts ans après la naissance de la Loterie Nationale au profit des blessés de la Grande Guerre, sa petite-fille la Française des Jeux (FDJ) est devenue une prospère entreprise d'Etat qui redistribue 96 % des mises aux joueurs, à l'Etat, à ses détaillants, au sport et aux Gueules Cassées.
La FDJ, dont 72 % du capital est détenu par l'Etat, a quasiment doublé son chiffre d'affaires depuis 2000, passé de 6,5 milliards à 12,1 milliards d'euros en 2012, ce qui en fait la deuxième loterie européenne et la quatrième mondiale.
12,1 milliards d'euros de mises, dont 7,9 milliards (65 %) qui sont revenus sous forme de gains à ses 26 millions de joueurs, 2,9 milliards (24 %) à la collectivité sous forme d'impôts ou d'aides au sport et 0,7 milliard (6 %) aux détaillants de ses 34.300 points de vente.
En 2012, tous jeux confondus, 106 gagnants ont reçu chacun au moins un million d'euros, dont 28 plus de cinq millions d'euros. Des millions de joueurs ont gagné de 2 euros à 169.837.010 euros, somme faramineuse remportée le 13 novembre 2012 dans les Alpes-Maritimes, un montant qui reste le record absolu pour un jeu d'argent en France.
Ces huit décennies ont fait passer la Loterie Nationale et ses dixièmes vendus dans des petites guérites en bois à la Française des Jeux et ses ordinateurs capables d'enregistrer 250 prises de jeu à la seconde.
Tout commence le 22 juillet 1933 par un décret créant une "Loterie Nationale au profit des anciens combattants et des calamités agricoles". Héritière de la "Blanque" de la Renaissance italienne, puis de la Loterie Royale de France de Louis XVI, la loterie avait été supprimée une première fois en 1836 par Louis-Philippe.
Dans les années 1930, tombolas de "bienfaisance" et loteries clandestines se multiplient. Le gouvernement décide d'en faire profiter les caisses de l'Etat.
Phénomène de société
Le premier tirage, le 7 novembre 1933, retransmis en direct à la TSF, se déroule au Trocadéro à Paris devant des milliers de personnes. L'histoire a retenu le nom de Paul Bonhoure, coiffeur à Tarascon (Bouches-du-Rhône) qui remporte le gros lot de cinq millions de francs (l'équivalent de 3,3 millions d'euros d'aujourd'hui).
Six mois après, neuf autres tirages ont lieu. Les billets entiers (100 francs) s'arrachent. Puis les dixièmes sont créés, émis par les associations d'anciens combattants de la Grande Guerre, comme les Gueules Cassées ou la Fondation Maginot.
En 2013, ces deux associations sont toujours présentes au capital de la FDJ, la Fondation Maginot avec 4,2 % et l'Union des blessés de la face et de la tête avec 9,2 %. Les Gueules Cassées, deuxième actionnaire de la FDJ après l'Etat, ont ainsi reçu 10 millions d'euros en 2012, utilisés pour agrandir une de ses maisons de retraite et pour participer, comme "grand mécène", à la commémoration du centenaire de la Grande Guerre.
Avec un tirage mensuel, puis hebdomadaire en 1943, la Loterie nationale traverse difficilement l'Occupation. Aux tranches hebdomadaires, s'ajoutent les tranches spéciales : Noël, Saint-Valentin, Fête des Mères, Prix de l'Arc de Triomphe.
De 1950 à 1962, les recettes de la Loterie Nationale ne cessent d'augmenter avant de baisser à partir de 1962, concurrencées par le Tiercé du PMU.
En 1976, les dirigeants de la Loterie créent le Loto. Après un départ timide, ce jeu devient en quelques années un phénomène de société. En 1984, ils lancent le Tac O Tac, alliant la possibilité du gain immédiat (au grattage) au gain dans les jours à venir (au tirage).
La Loterie Nationale devient la Société de la Loterie Nationale et du Loto National (SLNLN) puis France Loto. Mais les tirages de la Loterie se raréfient, les Français boudant un jeu à l'image vieillotte. France Loto signe l'acte de décès de la Loterie Nationale en décembre 1990.
Aujourd'hui, les jeux de tirage, comme le Loto ou Euro Millions, loterie européenne née en 2004, représentent 44 % des mises totales de la FDJ. Les jeux de grattage, comme le Cash, premier jeu de la FDJ, 44 % également, et les paris sportifs 12 %.
Quant aux 26 millions de joueurs - certains ne misent que quelques euros par an et d'autres plusieurs dizaines d'euros par semaine - ils sont en majorité des femmes (53 %) et la moitié (50 %) d'entre eux ont plus de 45 ans.