Investing.com - Nouriel Roubini, PDG de Roubini Macro Associates et professeur à la NYU Stern School of Business, s’assure régulièrement de mériter son surnom de « Dr. Doom » qui lui a été attribué après qu’il ait correctement prédit la crise financière de 2008.
Dans le cadre d’une interview avec Kitco publiée hier, l’économiste n’a une fois de plus pas failli à sa réputation, évoquant plusieurs "méga-menaces" qui pourraient changer la face du monde et occasionner une ruée vers la valeur refuge qu’est l'or, qui pourrait dans ce contexte atteindre selon lui jusqu'à 3 000 dollars l’once d'ici à 2028.
L’Or va progresser de 10% par an au cours des 5 prochaines années
« Au cours des prochaines années, je m'attends à ce que l'or ait des taux de rendement élevés » évoquant plus précisément des « taux de rendement d'environ 10 % par an au cours des cinq prochaines années ».
Evoquant une possible dédollarisation du monde, Roubini a estimé que "si les rivaux des États-Unis doivent se diversifier loin des actifs en dollars parce que nous militarisons le dollar et que des sanctions peuvent être imposées, alors le seul actif de réserve international qui ne peut pas être saisi par les États-Unis et l'Occident n'est pas le dollar, l'euro, le yen ou la livre. Ce ne peut être que l'or", a-t-il déclaré.
L’économiste a par ailleurs prévenu qu'une "dépression stagflationniste" pourrait commencer en 2023, avec à la clé une chute des actions et des obligations.
"Si j'ai raison, que nous aurons un atterrissage brutal, que l'inflation sera persistante et que les banques centrales sont face à un dilemme, [alors] les actions et les obligations se porteront mal", a-t-il déclaré, ajoutant que « l'or devrait mieux se porter parce que... c'est une couverture contre l'inflation ».
« C'est aussi une couverture contre l'instabilité financière, et une couverture contre la stabilité sociale, politique et géopolitique » a-t-il également jugé.
Possible guerre nucléaire Chine-USA en cas d’invasion de Taiwan
M. Roubini a aussi abordé le contexte géopolitique, prédisant que les "puissances révisionnistes" comme la Chine, la Russie, l'Iran et la Corée du Nord défieraient les États-Unis et l'Europe sur plusieurs fronts dans les années à venir.
Il a plus précisément évoqué une possible attaque de la Chine sur Taiwan cette année, ce qui aurait selon lui de fâcheuses conséquences sur les relations sino-américaines.
"[Le président chinois] Xi est arrivé au pouvoir pour un troisième mandat non pas parce qu'il veut réformer la Chine, mais parce qu'il veut passer dans l'histoire comme le président qui a uni la Chine continentale avec Taïwan", a expliqué Roubini.
Or, il a aussi fait remarquer que "récemment, Biden a fait des déclarations selon lesquelles si la Chine devait envahir Taïwan, ou même imposer un blocus naval, les États-Unis interviendraient directement dans ce conflit."
Et ses anticipations dans le cas où se risque se concrétiserait sont pour le moins apocalyptiques, puisqu’il a évoqué une "guerre entièrement nucléaire entre les États-Unis et la Chine". Il a également prévenu de profondes conséquences si les USA ne réagissent pas à une éventuelle invasion chinoise de Taiwan :
"Si vous perdez Taïwan, la crédibilité de votre engagement à défendre vos alliés comme la Corée du Sud, le Japon, l'Australie et d'autres en Asie va tomber", a-t-il déclaré, soulignant que « Taïwan est important, non pas à cause de Taïwan, mais en raison des conséquences sur le pouvoir hégémonique des États-Unis en Asie. »
La Fed va aggraver le contexte économique sur le long terme
La politique de la Fed est également une menace sérieuse à prendre en compte pour 2023 selon Roubini, qui a déclaré que la banque centrale devrait augmenter les taux jusqu'à au moins 6 % pour maitriser l’inflation, tout en soulignant qu’il est peu probable qu’elle le fasse puisque cela provoquerait une récession "grave" et des implosions de dettes.
"Vous devez augmenter les taux d'intérêt au moins à six pour cent afin de pousser, au fil du temps, l'inflation vers deux [pour cent], mais des taux d'intérêt à six pour cent vont conduire à une contraction économique sévère", a-t-il observé.
" Il y a tellement de dettes dans le système que toute tentative de réduire l'inflation provoque non seulement un crash économique, mais aussi une crise financière. Elles vont se nourrir l'une de l'autre, et face à un crash économique et financier, la Fed et les autres banques centrales vont devoir se dégonfler, céder et ne pas augmenter autant les taux d'intérêt" a-t-il expliquer
La conséquence selon lui sera un "désancrage des anticipations d'inflation", qui conduira à une inflation d'"au moins" 5 à 6 % à moyen terme.
Rappelons pour terminer que Nouriel Roubini a récemment publié un nouveau livre, Megathreats : Ten Dangerous Trends That Imperil Our Future, and How to Survive Them, dans lequel il présente des crises potentielles en ce qui concerne la dette, la démondialisation, une bombe à retardement démographique, les catastrophes climatiques, l'intelligence artificielle et d'autres facteurs qui pourraient mettre en péril l'ensemble de l'humanité et conduire à une "dystopie".