Le retrait brutal du billet de plus grande valeur au Venezuela et le retard pris par l'arrivée des nouvelles coupures ont dégénéré vendredi en plusieurs manifestations de colère et tentatives de pillage, dans ce pays en profonde crise économique.
"Tentatives de pillages dans plusieurs endroits du pays, situation aggravée par le manque de liquide. Les nouveaux billets n'arrivent pas", a dénoncé sur Twitter Henry Ramos Allup, président du Parlement contrôlé par l'opposition de centre droit.
Le président socialiste Nicolas Maduro a annoncé dimanche par surprise le retrait sous trois jours des coupures de 100 bolivars (0,15 dollar), utilisées dans les trois quarts des transactions en liquide.
Une mesure spectaculaire visant à contrer les "mafias internationales" pilotées selon lui par les Etats-Unis pour asphyxier l'économie vénézuélienne en accaparant ces billets. Pour bloquer ce trafic, il a ordonné la fermeture temporaire de la frontière avec la Colombie et le Brésil.
Le pays pétrolier, dont les finances se sont effondrées avec la chute des cours du brut, est en pleine tourmente, cumulant une inflation vertigineuse (475% en 2016 selon le FMI) et une bataille politique entre gouvernement et opposition qui exige le départ anticipé de Nicolas Maduro, très impopulaire.
Mais, alors que les habitants doivent rendre leurs vieux billets d'ici au 20 décembre et que ceux-ci n'étaient plus acceptés dès lundi dans la plupart des commerces, l'arrivée des nouvelles coupures, promise pour jeudi, se faisait toujours attendre vendredi en milieu de journée.
A Maracaibo (ouest), deuxième ville du pays, des habitants protestant contre le manque de liquidités ont affronté la police en leur lançant des pierres.
A Maturin, capitale de l'Etat de Monagas (est), des dizaines de personnes ont manifesté leur colère, obligeant les forces de l'ordre à fermer l'une des avenues principales de la ville.
"Un camion de poulets a été pillé et un groupe de personnes âgées étaient devant la porte de la banque pour protester car ils veulent du liquide", a raconté à l'AFP Juan Carlos Leal, agriculteur de Maturin.
- 'Le monde à l'envers!' -
Dans la ville côtière de Puerto la Cruz (est), "les gens se sont soulevés car ils voulaient retirer de l'argent de la banque et on ne les a pas laissés", a expliqué Génesis, employée d'une boulangerie.
"Pour les calmer, la police a tiré en l'air et ils sont tous partis, on a ordonné de fermer les magasins", a-t-elle ajouté, refusant de donner son nom de famille par crainte de représailles.
A Santa Barbara (ouest), les médias locaux ont rapporté qu'un groupe de personnes a tenté d'ouvrir par la force un camion transportant de l'argent. Les conducteurs du camion ont tiré sur la foule, faisant quatre blessés.
Pendant ce temps à Caracas, des milliers d'habitants, déjà lassés de faire la queue tous les jours face aux magasins et pharmacies de ce pays miné par les pénuries, fulminaient en patientant face à la banque centrale pour rendre leurs billets de 100 bolivars.
De lundi à jeudi, les Vénézuéliens pouvaient remettre leurs vieilles coupures dans toutes les banques du pays mais à partir de vendredi ils ne pouvaient plus le faire que dans les deux succursales de la banque centrale, à Caracas et à Maracaibo.
Après avoir rendu leurs billets inutilisables, ils repartaient toutefois frustrés car les mains vides, en l'absence des nouveaux billets de 500 et des nouvelles pièces de 10, 50 et 100 bolivars.
"C'est le monde à l'envers! Normalement il n'y a pas de nourriture, et maintenant il n'y a pas de billets pour en acheter", témoignait à l'AFP Jesus Garcia, vendeur de plats à emporter de 21 ans, arrivé dès 4H00 devant la banque centrale.
Plus loin dans la longue file d'attente, Héctor Lopez racontait avoir parcouru 200 kilomètres depuis San Juan de los Morros pour rendre ses billets caducs. "C'est une situation dont beaucoup de gens ont marre et pourtant... on est là", soupirait-il.
Venu avec un sac plastique rempli de ses économies en liasses de 100 bolivars, Pedro José Oviedo, électricien de 70 ans, dénonçait "la mesure la plus absurde qu'on ait jamais vue", envisageant de revendre à bas prix ses billets à ceux qui font la queue, afin d'éviter les heures d'attente.