par Florence Tan, Jessica Jaganathan, Roslan Khasawneh et Gavin Maguire
LE CAIRE (Reuters) - Les efforts s'intensifient vendredi pour tenter de dégager le porte-conteneurs MV Ever Given échoué depuis mardi en travers du canal de Suez (PA:SEVI), le blocage de cette voie maritime cruciale ayant entraîné une forte hausse des tarifs du fret maritime pétrolier et une perturbation des chaînes d'approvisionnement mondiales.
Le prix d'un transport maritime des produits pétroliers a quasiment doublé depuis que l'échouement du navire long de 400 mètres a interrompu la circulation à travers l'une des routes commerciales les plus fréquentées au monde.
Les efforts pour le déloger pourraient s'étaler sur plusieurs semaines et être compliqués par des conditions météorologiques instables, menaçant d'imposer de coûteux délais à des compagnies maritimes déjà confrontées aux répercussions de la crise sanitaire qui pénalisent leur activité.
Le propriétaire japonais du porte-conteneurs échoué, Shoei Kisen, a démenti vendredi une information du quotidien économique Nikkei selon laquelle il avait pour objectif de remettre le navire à flot avant samedi soir (heure japonaise).
L'entreprise japonaise a précisé que les efforts pour dégager le porte-conteneurs étaient toujours en cours.
L'Autorité du canal de Suez (SCA) a annoncé que les opérations de remorquage du navire reprendraient dès la fin des travaux de dragage visant à dégager 20.000 mètres cubes de sable au niveau de sa proue, estimant que cette tâche était actuellement réalisée à 87% environ.
La SCA a également salué la proposition d'aide formulée par les Etats-Unis.
HAUSSE DES TARIFS
Le blocage du trafic à travers ce canal reliant l'Europe à l'Asie accentue les difficultés de chaînes d'approvisionnement mondiales déjà perturbées par les conséquences de la pandémie de COVID-19.
Vendredi matin, une vingtaine de navires étaient visibles depuis le rivage de Port-Saïd, à l'embouchure du canal sur la Méditerranée, selon un journaliste de Reuters.
La crainte de voir ce blocage perturber durablement le marché pétrolier mondial a entraîné une hausse marquée des cours, le cours du baril de Brent s'adjugeant près de 3% à plus de 64 dollars le baril vendredi en début d'après-midi.
Selon les données de Refinitiv, plus de 30 pétroliers attendent depuis mardi de part et d'autre du canal, faute de pouvoir effectuer la traversée.
Le fait que cet incident survienne dans un contexte de faible demande saisonnière pour le brut et le gaz naturel liquéfié (GNL) pourrait cependant limiter l'impact sur les prix, selon des analystes.
Selon le spécialiste des données de suivi du fret Kpler, 10 tankers chargés de brut attendent de pouvoir entrer dans le canal.
Près de quatre millions de barils, principalement de pétrole kazakh et russe de l'Oural, seraient également en attente selon des traders, qui évoquent également des tankers chargés de brut libyen, azéri et de la Mer du Nord destinés aux raffineurs asiatiques.
L'opérateur égyptien d'oléoducs SUMED a rapidement proposé de l'espace de stockage aux traders de produits pétroliers mais ces derniers préfèrent attendre pour l'instant afin d'éviter des surcoûts élevés.
DEUX SEMAINES SUPPLÉMENTAIRES
Si le blocage venait à persister plusieurs semaines, les analystes s'attendent en revanche à un impact plus important pour les petits pétroliers et les exportations de produits liés au pétrole comme le naphta et le mazout d'Europe vers l'Asie.
"Environ 20% du naphta en Asie est fourni depuis la Méditerranée et la Mer Noire et transite par le canal de Suez", souligne Sri Paravaikkarasu, spécialiste du secteur pétrolier pour la zone Asie et Moyen-Orient au sein du cabinet de conseil industriel FGE.
Selon elle, détourner les navires pour contourner le continent africain en passant par le cap de Bonne-Espérance pourrait prolonger les transferts de deux semaines, soit autant de coûts supplémentaires en carburant.
Alors que plus de 60% des exportations asiatiques vers l'Occident ont transité par le canal de Suez en 2020 selon FGE, le blocage actuel pèse déjà sur le marché asiatique du diesel, déjà chancelant.
Concernant le GNL, Kpler fait état de 10 cargos - dont six chargés - bloqués et de plusieurs tankers détournés.
Si le blocage dure deux semaines, la livraison en Europe d'environ d'un million de tonnes de GNL pourrait subir des retards, a déclaré jeudi le responsable des marchés du gaz et de l'électricité de Rystad Energy, Carlos Torres Diaz.
D'après lui, certains acheteurs européens, qui prévoient des retards de GNL en provenance du Qatar, pourraient envisager d'autres options comme l'achat sur le marché au comptant.
Dans l'intervalle, des traders ont déclaré à Reuters adopter une position attentiste pour voir si une marée plus importante prévue dimanche permettra d'améliorer la situation.
(Avec Koustav Samanta et Nadine Awadalla ; version française Claude Chendjou et Myriam Rivet, édité par Jean-Stéphane Brosse)