par Bernard Orr
PEKIN/SHANGHAÏ (Reuters) - Les médias officiels chinois ont minimisé l'ampleur de la flambée épidémique de COVID-19 observée en Chine dans le sillage de la récente levée des restrictions, alors que des spécialistes locaux doivent faire le point dans la journée avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui espère obtenir des informations précises sur la situation épidémiologique et l'évolution du virus.
Le Quotidien du Peuple, organe de presse officiel du Parti communiste chinois, relaie dans son édition de mardi des témoignages d'experts chinois suggérant que la majorité des personnes contaminées par le coronavirus SARS-CoV-2 actuellement ne développent que des formes relativement bénignes de COVID-19.
"Les formes sévères et critiques de la maladie représentent 3% à 4% des patients contaminés actuellement admis dans les hôpitaux dédiés à Pékin", a déclaré Tong Zhaohui, vice-président de l'hôpital Chaoyang de Pékin, cité par le journal.
De son côté, Kang Yan, dirigeant de l'hôpital Tianfu de Chine occidentale de l'université du Sichuan, a signalé qu'au cours des trois dernières semaines, un total de 46 patients ont été hospitalisés en soins intensifs, soit environ 1% des infections symptomatiques.
Mais les témoignages sur le terrain contredisent ces déclarations, faisant état depuis deux semaines d'hôpitaux et de services funéraires débordés.
A Shanghaï, le service des urgences de l'hôpital Zhongshan débordait mardi de patients, principalement des personnes âgées, a pu constater un journaliste de Reuters.
Certains, perfusés, étaient allongés sur des brancards et munis de couvertures tandis que des dizaines d'autres patientaient autour en attendant de voir un médecin, sans qu'il soit possible de savoir la proportion de malades souffrant du COVID-19.
DÉFAUT DE DONNÉES
L'abandon de la politique "zéro COVID-19" début décembre sous la pression d'une contestation populaire croissante en Chine a entraîné une explosion des contaminations, faisant notamment craindre l'apparition de nouveaux variants.
La levée à venir, le 8 janvier, des restrictions sur les déplacements internationaux depuis la Chine, a donc incité la semaine dernière plusieurs pays - dont la France - à rétablir des mesures de contrôle sanitaire aux frontières pour les voyageurs arrivant de Chine.
Le ministère chinois des Affaires étrangères a jugé mardi que ces dispositions étaient "tout simplement déraisonnables" et ne reposaient sur "aucun fondement scientifique".
"Nous sommes prêts à améliorer notre communication avec le monde", a déclaré une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères à la presse mardi.
"Mais nous sommes résolument opposés aux tentatives de manipuler la prévention et les mesures de contrôle de l'épidémie dans un but politique, et nous prendrons des mesures adéquates dans différentes situations selon un principe de réciprocité", a-t-elle expliqué.
Alors que la sincérité des données épidémiologiques fournies par la Chine depuis le début de l'épidémie fait déjà l'objet de nombreuses réserves (avec un total de moins de 5.300 décès déclarés depuis fin 2019, contre près de 158.000 en France, par exemple), la Commission nationale de la santé chinoise a annoncé fin décembre qu'elle arrêtait la publication des bilans épidémiologiques quotidiens des contaminations et des décès, sans donner d'explication.
L'OMS a appelé à plusieurs reprises ces derniers jours les autorités sanitaires chinoises à partager régulièrement des informations précises et en temps réel sur la circulation virale et la situation épidémique, notamment le bilan des hospitalisations, des décès et l'état de la couverture vaccinale.
L'organisation onusienne a notamment invité des scientifiques chinois à présenter des données détaillées sur le séquençage du génome des souches virales qui circulent actuellement dans le pays, lors d'une réunion de son groupe technique consultatif COVID-19 prévue ce mardi après-midi (horaire de Genève, où est basée l'organisation).
Mais ces appels à la transparence risquent de ne pas plus être entendus que les précédents, selon les experts.
"Je ne pense pas que la Chine sera très sincère dans le partage des informations", a observé Alfred Wu, professeur à l'Ecole de politiques publiques Lee Kuan Yew de l'université de Singapour.
"Ils préféreront soit ne pas partager (ces informations), soit dire qu'il ne s'est rien passé, ou rien de nouveau. A mon avis, on peut supposer qu'il n'y a rien de nouveau (...) mais le problème de fond c'est que la question de la transparence de la Chine persiste", a-t-il ajouté.
(Reportage bureaux de Pékin et Shanghaï, avec la contribution de Farah Master à Hong Kong et Emma Farge à Genève ; rédigé par Marius Zaharia, version française Myriam Rivet, édité par Kate Entringer)