PARIS (Reuters) - Le comité de sécurité sanitaire de l'Union européenne, réuni jeudi pour évaluer la situation de l'épidémie de COVID-19 en Chine, a souligné la nécessité pour les Vingt-Sept d'"agir de façon coordonnée" sans toutefois décider de nouvelles mesures.
Cette instance, qui réunit des représentants des ministères de la Santé des Vingt-Sept et des agences sanitaires européennes sous la houlette de la Direction générale de la santé de la Commission européenne, a simplement choisi de "poursuivre les discussions", signe de divergences au niveau communautaire.
La récente levée des restrictions sanitaires en Chine, à l'origine d'une explosion des contaminations par le coronavirus SARS-CoV-2 faisant craindre l'émergence de nouveaux variants, ne justifie pas de rétablir les contrôles aux frontières, ont estimé jeudi des experts français.
"Sur le plan scientifique, il n'y a pas à ce jour de raison de rétablir des contrôles particuliers aux frontières (...) mais bien sûr cela peut changer quasiment d'un jour à l'autre", a déclaré jeudi sur Radio classique l'immunologue Brigitte Autran, présidente du Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars).
"Le dépistage aux frontières n'a jamais empêché un virus de pénétrer" dans un territoire et une telle mesure n'aurait de sens qu'à l'échelle européenne, pas à l'échelle nationale, a ensuite souligné Brigitte Autran sur France Inter.
"Le test éventuel ne serait pas un frein à l'entrée du virus. Il n'y a pas de frein à l'entrée du virus: le seul frein à l'entrée du virus, c'est de ne pas venir", a-t-elle noté.
Un avis partagé par le Pr Bruno Lina, virologue du Centre international de recherche en infectiologie de Lyon, et également membre du Covars.
UNE QUESTION "POLITIQUE"
"La question me semble plus politique que scientifique", explique-t-il dans un entretien publié dans l'édition de jeudi des Echos.
"Rapporté à l'ensemble de la population française, qui enregistre aujourd'hui quotidiennement 440 infections pour 100.000 habitants, quelques dizaines de Chinois arrivant par jour, c'est marginal! Ça ne présente pas de surrisque", observe-t-il.
Sans compter qu'un tel dépistage ne concernerait pas les personnes arrivées récemment de Chine mais ayant effectué un séjour dans un autre pays avant d'arriver en France ou en Europe, explique ce spécialiste.
Même si les informations en provenance de Chine sont "parcellaires", il n'y a pas "d'inquiétude particulière" et à ce stade, "la situation est maîtrisée" sans apparition de nouveaux variants préoccupants en Chine, a expliqué Brigitte Autran.
Selon les informations disponibles, "les variants qui circulent en Chine sont tous de la famille Omicron et sont tous des variants qui ont circulé en France, donc (contre lesquels) nous avons acquis une immunité", a-t-elle précisé sur France Inter.
Pour Bruno Lina, la crainte de voir apparaître de nouveaux variants dangereux "relève du fantasme".
"L'hypothèse la plus probable est qu'en Chine, le virus ne connaîtra pas d'évolution significative à court terme", explique-t-il dans Les Echos.
Et s'il apparaît inéluctable que le virus évolue après avoir contaminé un grand nombre de personnes, "le retour à un virus très dangereux voire mortel comme en 2020, quand on connaît la virologie, on sait que ça n'arrivera pas. On va toujours vers un virus qui gagne en transmission et perd en virulence", souligne-t-il dans le quotidien financier.
L'INCONNUE DU NOUVEL AN CHINOIS
Face à la flambée épidémique sans précédent observée en Chine depuis l'abandon de la politique "zéro COVID-19" début décembre sous la pression d'une contestation populaire croissante, plusieurs pays - dont les Etats-Unis, le Japon, l'Inde ou l'Italie - ont rétabli l'obligation de présenter un test de dépistage négatif aux voyageurs en provenance de Chine.
En France, le président Emmanuel Macron a demandé mercredi au gouvernement des "mesures adaptées" de protection des Français et de regarder "des actions à la fois au niveau national et européen", a-t-on appris auprès de l'Elysée.
En Italie, la présidente du Conseil, Giorgia Meloni, a plaidé jeudi lors d'une conférence de presse pour que l'UE suive l'exemple de l'Italie et impose un dépistage systématique aux voyageurs arrivant de Chine.
Les autorités aéroportuaires de Milan ont signalé que les passagers en provenance de Pékin et Shanghaï testés à leur arrivée mercredi étaient pour près de la moitié infectés par le coronavirus SARS-CoV-2.
Un porte-parole du gouvernement britannique a déclaré jeudi que le Royaume-Uni n'envisageait pas à ce stade de réintroduire des tests de dépistage, ou tout autre protocole, pour les personnes arrivant de Chine sur son territoire.
Le China Daily rapporte dans son édition de jeudi que les régions rurales de Chine s'emploient à renforcer leurs capacités sanitaires et médicales à l'approche des congés du Nouvel an lunaire, l'équivalent de Noël en Occident pour les Chinois, qui en profitent pour rejoindre leur famille ou faire du tourisme à l'étranger.
Le Nouvel an chinois débute le 22 janvier prochain, et les autorités s'inquiètent des conséquences sanitaires d'un brassage de population massif entre le 7 janvier et le 15 février.
(Rédigé par Myriam Rivet, édité par Matthieu Protard et Sophie Louet)