SLOVIANSK, Ukraine (Reuters) - Assise seule dans sa chambre, Arina Herasymova, élève ukrainienne en troisième année d'école primaire, est l'image même de la solitude alors qu'elle regarde son professeur et ses camarades de classe à travers un écran.
"J'aimerais aller à l'école, suivre des cours. Jouer avec des amis pendant la récréation, ne pas rester assise à la maison", raconte-t-elle.
La fillette de huit ans vit près de la ligne de front alors que la guerre menée par la Russie, qui va bien tôt passer le cap des deux ans, a forcé de nombreux enfants de la région à suivre un enseignement en ligne.
La pandémie de COVID-19 avait déjà bouleversé l'emploi du temps quotidien d'Arina, puis l'invasion russe en février 2022. L'enfant, autrefois active, affiche désormais un regard triste, raconte sa mère Iryna, 32 ans.
"Je la regarde maintenant et elle a complètement changé", regrette-t-elle. "Elle ne veut plus rien faire."
Les combats font rage à 40 kilomètres seulement de leur ville, Sloviansk, dans la région orientale de Donetsk, qui est régulièrement menacée par les frappes aériennes russes.
Le professeur d'Arina rappelle à ses élèves que si une sirène de raid aérien retentit, les cours seront temporairement suspendus.
Les classes dans les zones de la ligne de front, comme Sloviansk, se maintiendront à distance, a indiqué le directeur de l'école locale, Anatoly Pohorelov, à moins que de meilleurs abris anti-bombes ne soient construits - ou jusqu'à ce que la guerre prenne fin.
Dans la région de Kharkiv, au nord-est du pays, qui borde la Russie, les autorités ont commencé à construire des écoles souterraines lourdement fortifiées pour permettre aux enfants de reprendre leurs études en toute sécurité.
"Peut-être que lorsque l'Ukraine aura repris une grande partie de son territoire, voire tout son territoire, nous pourrons parler d'apprentissage mixte ou en présentiel", espère Anatoly Pohorelov. "Mais pour l'instant, nous n'avons pas cette possibilité."
Le manque d'interaction entre élèves a eu de graves répercussions sur le bien-être mental et social des enfants.
"À l'école et au jardin d'enfants, c'était beaucoup plus amusant qu'en ligne", commente Angelina Bondarenko, 8 ans et également en troisième année d'école primaire. Elle est retournée à Sloviansk le mois dernier pour la première fois depuis mars 2022.
"À l'école, j'avais des amis, comme Liza, nous étions deux amies. Comme des jumelles."
Angelina et Arina ne rencontrent jamais leurs camarades de classe, ils ne se connaissent que par écrans interposés. Une situation particulière sachant que la plupart des enfants nouent leurs premières vraies amitiés à l'école.
(Reportage Vitalii Hnidyi et Thomas Peter, rédigé par Dan Peleschuk ; version française Gaëlle Sheehan, édité par Kate Entringer)