Moins de 24 heures après la démission du Premier ministre portugais José Socrates, la sanction des marchés et des agences de notation est tombée, menaçant le pays d'une rupture de financement à court terme, estimaient vendredi les analystes.
Les agences Fitch et Standard and Poor's (SP) ont dégradé jeudi de deux crans la note de la dette portugaise, conséquence directe du rejet par le Parlement du nouveau plan d'austérité et de la chute du gouvernement socialiste minoritaire.
"Fitch ne croit plus que le Portugal puisse conserver un accès au marché à des conditions favorables cette année", a affirmé cette agence dans un communiqué, jugeant que la probabilité d'une aide financière extérieure "à court terme" avait "considérablement augmenté".
La réaction à ces décisions a été immédiate sur les marchés, où les taux portugais à dix ans ont atteint vendredi en séance un nouveau plus haut depuis l'entrée du pays dans la zone euro, à 7,79%, contre un peu plus de 4% il y a un an.
"Le marché traite déjà les obligations portugaises comme des titres pourris, il faut donc s'attendre à des dégradations supplémentaires", relevait la banque ING dans une note d'analyse.
"La spirale d'informations négatives concernant le Portugal se poursuit avec vigueur", résumait vendredi la Commerzbank.
Réunis à Bruxelles, les dirigeants européens se sont dits prêts à aider "sous conditions" le Portugal, en débloquant, comme pour la Grèce et l'Irlande, un fonds de secours dont le montant a été évalué à 75 milliards d'euros par le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker.
Mais le gouvernement socialiste démissionnaire a une nouvelle fois exclu cette possibilité, José Socrates réaffirmant vendredi que son pays "n'avait pas besoin" d'un plan de sauvetage.
Or, en attendant l'élection d'un nouveau gouvernment, au plus tôt fin mai, l'horloge financière continue de tourner.
Et vite. Le Portugal doit rembourser 4,2 milliards d'euros de dette le 15 avril et, encore 4,9 milliards le 15 juin.
Selon les économistes interrogés par l'AFP, le Portugal devrait avoir suffisamment d'argent pour faire face à l'échéance d'avril, mais être incapable de financer les remboursements de juin, sans nouvel emprunt.
En outre, "les banques pourraient se retrouver à court de liquidités bien avant le gouvernement, comme ça a été le cas en Irlande", estime Daniel Gros, du Centre d'études des politiques européennes.
La fermeture des marchés financiers est déjà une réalité pour les entreprises publiques de transports qui sont au bord de la "rupture financière" et menacées de ne plus pouvoir verser les salaires, affirmait cette semaine le quotidien Jornal de Negocios.
Pour Tullia Bucco, analyste chez UniCredit, la solution pourrait passer par des "prêts relais". "Ces prêts, sous forme de placements directs de dette, aideraient certainement le pays à trouver les fonds dont il a besoin jusqu'à juin", a-t-elle déclaré à l'AFP.
La Chine, qui selon des informations de presse jamais démenties aurait déjà acheté plus d'un milliard d'euros de dette portugaise en janvier, s'est dite prête jeudi à "renforcer ses liens" avec le Portugal.
D'autres pays, notamment d'anciennes colonies portugaises comme le Brésil ou le Timor Oriental, ont aussi à plusieurs reprises manifesté leur "solidarité" avec Lisbonne, où est attendue la semaine prochaine la présidente du Brésil, Dilma Rousseff.
Enfin, face au "pic de refinancement" du 15 avril, la Banque centrale européenne pourrait une nouvelle fois racheter des obligations portugaises "avant et après" cette date afin de faire baisser la pression des marchés, estime Gilles Moec, économiste à la Deutsche Bank.
Mais, prévient-il, "ce sera une intervention exceptionnelle, dans l’attente que le Portugal négocie et obtienne une aide internationale".