par Danielle Rouquié
PARIS (Reuters) - La France ne tient pas compte du ralentissement économique ni du plein effet des mesures de soutien au pouvoir d'achat destinées à répondre à la crise des "Gilets jaunes" dans ses prévisions budgétaires pour 2019 et devra procéder à terme à un profond assainissement de ses finances publiques, estime la Cour des comptes dans son rapport annuel publié mercredi.
Les mesures fiscales et sociales de soutien au pouvoir d'achat, d'un montant "de près de 11 milliards d'euros" souligne la Cour, ont conduit le gouvernement à porter sa prévision de déficit public pour 2019 à 3,2% du produit intérieur brut (PIB), soit au-delà des 3% autorisés par l'Union européenne.
Or, même cette prévision est "fragile", souligne la Cour. Elle suppose que la croissance ne faiblira pas, "comme le laissent craindre les dernières informations conjoncturelles", que le soutien au pouvoir d'achat sera bien compensé par les mesures d'économies annoncées et que les objectifs de dépenses de l'Etat pour 2019 seront "strictement respectés".
Certes, les mesures de soutien au pouvoir d'achat devraient être favorables à la consommation des ménages, donc à la croissance, mais, seule une partie de ces mesures a été intégrée à la loi de finances pour 2019, dit la Cour.
En outre, les économies et recettes supplémentaires qui ont été annoncées pour compenser ces mesures de soutien n'ont pas encore été votées et "ne sont donc pas acquises".
C'est le cas de l'intention affichée par le gouvernement de limiter la baisse du taux d'impôt sur les sociétés (de 33,3% à 31%) aux entreprises ayant un chiffre d'affaires inférieur à 250 millions d'euros, ce qui représenterait un surcroît de recettes de 1,7 à 1,8 milliard d'euros.
PRÉVISION DE CROISSANCE OPTIMISTE
Il en va de même de la taxe prévue sur les Google (NASDAQ:GOOGL), Apple (NASDAQ:AAPL) et autres multinationales du numérique et de l'internet, les "Gafa", qui permettrait d'engranger 500 millions d'euros.
Enfin, le plan d'économies de dépenses de 1,5 milliard d'euros sur les dépenses de l’État annoncé par le gouvernement ne figure par dans le budget de l'Etat et "reste à définir".
Or, ces mesures de hausse des recettes ou de baisse des dépenses, en réduisant de 3,7 milliards la hausse du déficit, le ramèneraient à 3,2 points de PIB, souligne la Cour.
Autre fragilité dont est entachée la prévision de déficit : la prévision de croissance retenue, de 1,7% en 2019 comme en 2018, présente "un risque sérieux de ne pas être atteinte", en raison de la dégradation du contexte économique dans le monde.
Pour y parvenir, il faudrait une forte progression du PIB, de 0,9% par trimestre au second semestre 2019. Cela ne s'est pas produit depuis le premier semestre de 2006, relève la Cour.
Le retour du déficit au-dessus de trois points de PIB ne conduira toutefois pas nécessairement à une nouvelle ouverture par Bruxelles de la procédure pour déficit excessif, si le déficit ne dépasse pas de beaucoup les trois points de PIB, et si son retour sous ce seuil en 2020 est considéré comme crédible par les instances européennes, indique la Cour.
LA FRANCE, UN DES PAYS LES PLUS ENDETTÉS d'EUROPE
En revanche, l'absence d'amélioration du déficit structurel désormais affichée pour 2019, - il serait au mieux stable, à 2,3 points de PIB, loin de l'objectif de moyen terme fixé à 0,4 point de PIB pour la France - est "nettement en contradiction avec nos engagements européens", ajoute la Cour.
Enfin, la dette publique rapportée au PIB, prévue à 98,6 de PIB, devrait encore augmenter en 2019, faisant de la France "un des pays les plus endettés d'Europe", souligne la Cour. Elle donne toutefois crédit au gouvernement d'avoir actualisé ses besoins d'emprunts à moyen-long terme à 200 milliards d'euros.
Dès lors, estime la Cour, le gouvernement doit tenir compte de la réalité et faire voter "dès que possible" des projets de lois de finances rectificatives pour l'État et la sécurité sociale, où figureront "de manière exhaustive et sincère l'ensemble des mesures annoncées ainsi que les conséquences de l'évolution de la situation macroéconomique".
A terme, il faudra redresser "en profondeur" les finances publiques, "les événements récents ayant démontré l'insuffisance et la grande fragilité du redressement opéré jusqu'à présent".
En réduisant ses déficits effectif et structurel et en faisant refluer la dette publique, la France retrouvera des "marges de manoeuvre" en cas d'imprévu, fait valoir la Cour.
Pour atteindre ce but, comme les impôts, cotisations et autres prélèvements obligatoires sont déjà très élevés, et qu'il est question de les faire baisser, l'assainissement des finances publiques ne pourra que passer "par une maîtrise accrue des dépenses publiques", dit la Cour. Autrement dit, le secteur public dans son ensemble va devoir se mettre au régime.
(Edité par Yves Clarisse)