par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - De nouveaux mandats d'arrêts internationaux ont été lancés dans le cadre de l'enquête sur les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, notamment contre les frères Jean-Michel et Fabien Clain, ont annoncé lundi les juges chargés du dossier aux parties civiles, selon des participants à cette réunion.
Ces deux djihadistes français, vraisemblablement encore vivants et en Syrie, selon les juges, avaient revendiqué ces attaques meurtrières au nom de l'Etat islamique (EI).
La justice française a émis à leur encontre le 28 juin des mandats d'arrêts pour association de malfaiteurs terroriste et complicité d'assassinats et de tentatives d'assassinats, ont précisé les magistrats, cités par les mêmes sources.
Ces six magistrats ont invité cette semaine quelque 2.000 parties civiles à venir en trois vagues à l'Ecole militaire, à Paris, faire le point d'une instruction tentaculaire (quelque 400 volumes à ce jour), qui devrait aboutir à un procès en 2020.
La détention provisoire de Salah Abdeslam, seul survivant présumé des commandos qui ont tué 130 personnes et en ont blessées plus de 400, arrive théoriquement à échéance en mai 2020, quatre ans après son incarcération en mai 2016.
Le dossier doit donc impérativement être bouclé avant cette date. Compte tenu notamment du temps nécessaire à la rédaction de l'ordonnance finale, les juges d'instruction se sont donc donnés jusqu'à septembre 2019 au plus tard pour achever leurs investigations, ont expliqué des participants.
Depuis la dernière réunion d'information des parties civiles, en octobre dernier, ils ont notamment progressé sur deux pistes : celle du financement des attentats et celles de l'origine des armes utilisées par les commandos.
Les frères Khalid et Ibrahim el Bakraoui, morts dans les attentats suicide du 22 mars 2016 à Bruxelles, y auraient participé par des braquages. Une partie de l'argent aurait par ailleurs été envoyée de Syrie via l'Angleterre.
VERS DE NOUVELLES MISES EN EXAMEN
La piste des fusils d'assaut utilisés par les commandos mène à un important trafiquant d'armes d'Amsterdam, la "bête noire des autorités néerlandaises" pour ce type d'activité, ont dit les magistrats instructeurs, cités par les mêmes sources.
Les juges se sont aussi penchés sur les réseaux de passeurs qui ont permis à des membres des commandos de venir en Belgique et en France en se faisant passer pour des réfugiés syriens.
A ce jour, 11 personnes ont été mises en examen dans ce dossier, dont Salah Abdeslam.
Les mises en examen de deux autres hommes, déjà poursuivis en Belgique pour leur implication présumée dans les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, sont attendues dans les prochains jours, ont précisé les juges aux parties civiles.
Selon des participants, les magistrats ont par ailleurs fait état d'une dizaine de mandats d'arrêts en cours au total, dont ceux des frères Clain.
Dans les mois à venir, ils comptent notamment pousser leurs investigations jusqu'au Pakistan et en Inde.
Quant à Salah Abdeslam, qui sera réinterrogé le 27 juillet, il a gardé le silence, hormis pour une récente déclaration dans laquelle il s'est borné à justifier les attentats.
Il ne fait désormais plus de doute aux yeux des juges qu'il a joué un rôle clef dans l'organisation logistique des attentats de Paris et Saint-Denis. Mais, compte tenu de son silence, ils ne semblent plus en attendre de révélation sur le fond du dossier.
Le juge qui coordonne l'instruction depuis le début, Christophe Teissier, va pour sa part passer la main, comme le lui impose la règle selon laquelle un magistrat instructeur ne peut occuper plus de dix ans la même fonction.
(Edité par Jean-Philippe Lefief)