L'Espagne était sous haute tension vendredi, craignant le pire après les élections grecques prévues dimanche, alors que le plan d'aide européen pour ses banques, toujours très flou, n'a pas réussi à calmer les marchés cette semaine.
Qu'a donc à craindre Madrid de ce scrutin ? "Tout, il n'y a aucun résultat qui soit directement positif", assure Alberto Roldan, directeur du département analyse de la maison de courtage Inverseguros.
"Le moins mauvais serait une victoire des conservateurs, qui permette de garder les plans d'action prévus avec l'Union européenne", ajoute-t-il, jugeant cela insuffisant pour calmer la tension des marchés.
Et "s'il y a une sortie de la Grèce (de la zone euro), un scénario qu'on ne peut vraiment plus écarter maintenant, cela crée un précédent et devient une solution envisageable pour d'autres pays", note Jesus Castillo, spécialiste de l'Europe du Sud de Natixis.
Face à ce danger, "l'Espagne est actuellement en première ligne", souligne Montserrat Formoso, responsable de gestion de portefeuilles de la maison de courtage Tressis: au sein de la zone euro, elle apparaît désormais comme le maillon le plus fragile.
Le plan de sauvetage européen décidé le 9 juin, qui va prêter jusqu'à 100 milliards d'euros aux banques espagnoles, n'a pas apaisé les esprits.
"Un sauvetage bancaire sans le moindre détail, sans un cadre clair pour les investisseurs...", soupire Alberto Roldan: "au lieu de soulager (les marchés), cela a augmenté l'incertitude".
Tandis que la Bourse madrilène a semblé se reprendre un peu, repassant au-dessus des 6.700 points, on ne peut pas en dire autant du marché obligataire: la prime de risque - surcoût payé par l'Espagne pour emprunter, par rapport à l'Allemagne -, a atteint le niveau historique de 550 points (5,5 points de pourcentage).
Le taux des obligations espagnoles à dix ans a lui grimpé jeudi à un niveau jamais vu depuis la création de la zone euro: 6,967%.
"Deux choses semblent influencer le jugement des investisseurs: le manque de détails et l'impact que tout cela va avoir sur les finances publiques espagnoles, en termes d'augmentation de la dette publique", explique Jesus Castillo.
Cette dette, en proportion du PIB, a plus que doublé en quatre ans, de 35,8% au premier trimestre 2008 à 72,1% fin mars 2012. Elle devrait avoisiner les 90% en fin d'année, si Madrid prend toute l'enveloppe nécessaire à ses banques.
C'est l'autre incertitude: à combien s'élèvera la facture ? Un indice est donné par l'amendement déposé mardi par le Parti populaire (droite, au pouvoir), qui veut autoriser le fonds public d'aide aux banques (Frob), destinataire du prêt, à s'endetter jusqu'à 66 milliards d'euros.
Le chiffre exact du montant demandé par Madrid sera fixé grâce à un audit mené par les cabinets Oliver Wyman et Roland Berger, attendu dans les jours à venir.
Compte tenu de la tension ambiante, le rapport "sera connu de manière imminente", prédit Alberto Roldan.
"Il faut qu'ils arrivent à rendre crédible le chiffre qui sortira", prévient Jesus Castillo.
Car "le risque derrière, c'est que si ce plan ne permet pas de faire baisser la prime de risque et que le financement de l'Etat espagnol continue à des taux de 6,5-7%, ce n'est pas tenable, forcément à un moment il faudra mettre en place autre chose pour l'Espagne".
"Dans le cas de l'Irlande, dans un premier temps, on a dit aussi que le sauvetage était pour la banque, mais au final cela a été un sauvetage pour l'Irlande, son gouvernement, en échange de mesures d'austérité", rappelle Montserrat Formoso.
Et, souligne-t-il, "les marchés, à l'inverse des politiques, ont de la mémoire et se rappellent ces choses-là".
Dernier élément de doute, les conditions de cette aide: même si le gouvernement jure qu'elles ne porteront que sur le secteur bancaire, "on ne sait pas vraiment si on ne va pas exiger en plus des mesures d'austérité pour l'Etat espagnol, ce qui pourrait entamer encore plus la croissance à court terme", alors que le pays est déjà en récession, remarque Montserrat Formoso.
"Vu que cette injection de capital se fait avec une garantie de l'Etat espagnol, il y aura une surveillance très stricte de ses finances publiques", dit aussi Jesus Castillo.