La succession du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker à la tête de l'Eurogroupe, le forum des ministres des Finances de la zone euro, a semblé un temps promise à l'Allemand Wolfgang Schäuble mais les réticences de la France ont changé la donne et pourraient prolonger le suspense.
Depuis l'élection de François Hollande début mai, plusieurs responsables politiques français, à commencer par le président lui-même, ont signifié que cette solution n'était pas celle qu'ils préféraient.
Tout semblait pourtant bien parti pour le ministre des Finances de la chancelière Angela Merkel, qui avait officialisé début mai son intérêt pour le poste.
"Je n'ai pas entendu dire à mes collègues: +Mon Dieu, tout sauf Schäuble+", ce qui veut dire que "cela n'est pas mauvais", avait-il confié au journal dominical Welt am Sonntag.
Il avait alors reçu le soutien de M. Juncker, qui avait indiqué ne pas souhaiter rempiler à ce poste qu'il occupe depuis sa création en 2005 et jugeait que le ministre allemand constituait un "choix idéal".
Mais à peine élu, M. Hollande a exprimé de fortes réserves sur le choix du ministre allemand des Finances, selon l'hebdomadaire Der Spiegel.
Aussitôt, Ségolène Royal, une des principales responsables du Parti socialiste français, renchérissait en estimant que le choix de M. Schäuble à ce poste serait "un mauvais signal" car en matière de rigueur budgétaire, il "est sur une ligne extrêmement rigide".
"Cette ligne a démontré son échec, il ne faut pas s'enferrer dans cette direction là" et il faut "trouver quelqu'un qui a plus d'imagination", a-t-elle dit.
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a semblé porter l'estocade dans une interview à L'Express. Interrogé sur l'éventualité que M. Schäuble prenne la tête de l'Eurogroupe, il a répondu: "nous n'en sommes pas encore là. La priorité, c'est la croissance", et insisté sur "le fossé qui se creuse entre Europe du Nord et du Sud".
De fait, soulignait récemment le Spiegel dans son édition anglophone en ligne, M. Schäuble "s'est opposé à un renforcement du Fonds de secours et a évoqué de manière répétée une sortie de la Grèce de la zone euro, ce qui rend d'autant plus difficilement acceptable (sa candidature) par le Portugal, l'Espagne et l'Italie".
"La question, c'est de savoir s'il n'est pas gênant qu'une des deux premières économies de la zone euro préside l'Eurogroupe. Ce serait pareil s'il s'agissait de la France", assurait récemment un diplomate européen.
Autre handicap pour M. Schäuble, il a affirmé qu'il n'envisageait pas d'abandonner son poste de ministre pour prendre la direction de l'Eurogroupe. Certains y voient un conflit d'intérêt --M. Juncker n'est pas ministre des Finances du Luxembourg mais Premier ministre--, d'autres considèrent que la charge de travail serait trop lourde.
Dans ces conditions, la France serait favorable à ce que M. Juncker, qui doit normalement passer la main le 17 juillet au plus tard, reste en poste, même s'il a répété mercredi qu'il ne le souhaitait pas.
Alors qu'il avait des relations difficiles avec l'ex-président Nicolas Sarkozy, il est plutôt apprécié par le nouveau pouvoir en place à Paris. "C'est un chrétien-démocrate avec une sensibilité sociale, il est à la fois germanophone et francophone, il est au milieu de tout cela, il peut jouer un rôle utile", a souligné le ministre français des Finances, Pierre Moscovici, jeudi sur France Inter.
Le Premier ministre luxembourgeois avait toutefois rappelé la veille avoir "dit à plusieurs reprises" son "intention de quitter la présidence de l'Eurogroupe", ajoutant espérer que le sujet serait tranché d'ici fin juin.
Mais, selon une source européenne de haut rang, il n'y a pas d'urgence. "Cette succession n'est pas le plus grand problème auquel on doit faire face" et si aucune solution n'est trouvée d'ici la fin du mandat de M. Juncker, "il peut passer ses vacances en tant que président de l'Eurogroupe", selon elle.