Le président élu François Hollande hérite à la veille de sa prise de fonction d'une économie en panne mettant à mal ses engagements électoraux et budgétaires et rend urgent un accord sur la croissance européenne avec la chancelière Angela Merkel qu'il rencontre mardi.
L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) doit publier mardi, jour de la passation des pouvoirs, sa première estimation de la croissance au premier trimestre.
La Banque de France a déjà évalué celle-ci à zéro aux premier et au deuxième trimestres.
La Commission européenne a quand à elle estimé vendredi à 0,5% la croissance en France cette année, en plein accord avec la prévision de M. Hollande, mais elle prévoit en revanche un taux de 1,3% seulement pour l'an prochain contre 1,7% prévu par le nouveau président: la France devrait ainsi connaître un dérapage de son déficit public l'an prochain à 4,2% contre un objectif de 3%, engagement de M. Hollande.
"M. Hollande n'a pas encore commencé à prendre de décisions que déjà la situation est moins bonne qu'il y a quelques mois", constate Marc Touati, d'Assya compagnie financière, soulignant: "C'est un contexte extrêmement difficile car mécaniquement s'il y a moins de croissance, il y a plus de déficit, plus de chômage et plus de dette. C'est-à-dire que toutes les prévisions gouvernementales sont battues en brèche".
Eric Heyer, de l'Observatoire français des conjonctures économiques, prévoit un léger recul du Produit intérieur brut (PIB) au premier trimestre (-0,1%) et une croissance nulle au deuxième. "Aucun moteur de croissance ne va s'allumer", estime-t-il.
"urgence"
Il évoque une demande intérieure "extrêmement faible" (consommation et investissement), tout comme la demande extérieure, affectée par les "plans d'austérité qui fleurissent partout chez nos partenaires". "Nous sommes "entrés dans une mécanique complètement infernale, déflationniste qui débouche sur une récession en zone euro", déplore-t-il.
Pour lui il y a "urgence" à parvenir à un accord entre France et Allemagne sur les moyens d'obtenir les points de croissance manquant cruellement à l'Europe mais la tâche sera "très difficile".
"La discussion sera âpre" avec, du côté allemand l'idée d'un accroissement de l'offre par la dérégulation du marché du travail, du côté français et des pays du sud la revendication d'outils de stimulation de la demande et de solidarité, explique-t-il.
S'ils ne "veulent rien lâcher pour aider directement les pays du sud", les Allemands pourraient en revanche contribuer "indirectement en redistribuant du revenu chez eux", estime M. Heyer. Une augmentation des salaires en Allemagne stimulerait la demande en augmentant la compétitivité relative des produits étrangers.
Les puissants syndicats d'outre-Rhin commencent à "réclamer une partie des fruits de la croissance" dans un pays "parvenu au plein emploi mais où la pauvreté a plus augmenté qu'en France, une situation qui n'est pas tenable longtemps", précise-t-il.
"Si en septembre nous n'avons pas trouvé d'accord, nous allons retomber dans une crise extrêmement grave, une crise politique économique et sociale", prédit M. Touati, auteur de "Quand la zone euro explosera".
Il ne considère pas que le revers électoral des conservateurs d'Angela Merkel dans un scrutin régional test ce week-end soit un atout pour imposer à l'Allemagne une politique de stimulation par la dépense, affirmant: "Ce n'est plus un problème de gauche et de droite, mais le problème essentiel malheureusement de la différence de culture économique entre la France et l'Allemagne".
Chercher la croissance par la dépense est pour lui une "erreur fondamentale en France où le poids des dépenses publiques est déjà de 56% du PIB".