Le Parlement grec doit adopter jeudi soir en urgence le projet de loi sur l'effacement de 107 milliards d'euros de dette détenue par les créanciers privés du pays, une opération de restructuration inédite par son ampleur dans l'histoire financière.
L'issue du vote ne fait guère de doute compte-tenu de la large majorité constituée par les députés des deux partis de la coalition gouvernementale, les socialistes du Pasok et les conservateurs de la Nouvelle Démocratie, soit 193 parlementaires sur un total de 300.
Les trois partis de gauche ainsi que le parti d'extrême droite devraient se prononcer contre le projet de loi qui "sera profitable aux banques et aux monopoles, pas à la population", a dénoncé le député communiste Thanassis Pafilis à l'ouverture du débat, peu avant 08h30 GMT.
Celui-ci doit se poursuivre jusqu'au vote prévu en fin journée, selon une source parlementaire.
Le ministre de Finances Evangélos Vénizelos a répliqué aux détracteurs de la procédure d'urgence qu'"ils n'ont pas conscience de la situation où se trouve le pays".
Le texte de loi détaille les termes de l'accord dit PSI, tiré de l'acronyme anglais "private sector involvement", dont les modalités ont été fixées à l'issue d'une réunion marathon dans la nuit de lundi à mardi à Bruxelles par les Etats de la zone euro.
Le but de l'opération est d'effacer 107 milliards d'euros, soit 50% de la dette privée du pays détenue par les créanciers privés (banques, sociétés d'assurance ou fonds d'investissement) sur un ensemble de 350 milliards d'euros de dette provenant du privé et des créanciers institutionnels.
Le record était jusqu'ici détenu par l'Argentine, dont la dette atteignait 82 milliards de dollars (73 milliards d'euros environ au cours de l'époque) lorsqu'elle avait fait défaut, en janvier 2002.
Dans le cas de la Grèce, il ne s'agit pas d'un défaut mais d'un montage complexe, consenti par les créanciers du pays.
Cette restructuration de dette constitue l'une des deux composantes du plan de sauvetage record de la Grèce, la seconde étant un prêt de 130 milliards d'euros sur trois ans qui vient s'ajouter à celui de 110 milliards d'euros accordé par la zone euro et le FMI en 2010 et dont une partie a été déjà versée.
Une fois votée la loi PSI, le suspense résidera dans la proportion de créanciers privés détenteurs d'obligations grecques qui accepteront une décote de 53,5% sur les titres qu'ils détiennent et qui représentera une perte finale dépassant 70% de leur valeur initiale.
L'annonce officielle du lancement de l'offre d'échange doit intervenir "au plus tard vendredi afin de respecter les délais serrés et l'échéance des obligations de mars", a averti le ministre des Finances Evangélos Vénizelos mercredi soir.
La Grèce est entrée dans une course contre la montre afin d'éviter la faillite au 20 mars, date à laquelle le pays doit rembourser 14,5 milliards d'euros.
Les candidats volontaires pour l'échange de dette auront jusqu'au 9 mars pour se faire connaître et "l'opération elle-même devrait se dérouler d'ici le 12 mars pour les obligations de droit grec et début avril pour celles du droit anglais et japonais", a précisé M. Vénizélos.
Comme il faut une semaine pour décaisser l'argent des dettes arrivant à échéance, c'est dès "le 14 mars que la Grèce fera face à des problèmes de liquidités", si rien n'est mis en oeuvre avant, a prévenu le ministre des Finances.
Le projet de loi institue la possibilité de déclencher des clauses d'action collective (CAC) pour contraindre les créanciers réticents à prendre part à l'opération d'échange.
Ces clauses permettent d'étendre à l'ensemble des détenteurs d'obligations une proposition acceptée au moins par une proportion pré-déterminée des créanciers.
L'agence de notation Fitch a estimé que cet effacement de dette constituera de toute façon une restructuration sous la contrainte et a baissé mercredi de deux crans la note de la dette à long terme de la Grèce à "C", contre "CCC" auparavant, indiquant qu'"un défaut de paiement est fortement probable à court terme".
Le Premier ministre Lucas Papademos veut croire que "les décisions qui ont été prises et celles qui seront prises vont contribuer à la relance de l'économie grecque".
"Au cours de cette semaine, la Grèce doit prouver sa détermination à effectuer tous les changements" nécessaires à la mise en oeuvre du plan de sauvetage, a insisté jeudi le porte-parole du gouvernement Pantelis Kapsis.
Au menu des parlementaires figure notamment une réforme du système de santé abaissant les dépenses d'un milliard d'euros en 2012 et un texte sur l'ensemble des mesures budgétaires qu'avaient exigées les créanciers du pays avant le déblocage de l'aide.
Cette seconde loi, qui doit être votée mardi, prévoit, entre autres, des coupes supplémentaires dans les retraites venant s'ajouter à une longue liste de sacrifices consentis par les Grecs depuis le début de la crise de la dette en 2010.
Mercredi, une manifestation contre la rigueur a réuni moins de 6.000 personnes à Athènes. Jeudi, le personnel des hôpitaux était appelé à la grève et à des manifestations.