De Google à Ford, les multinationales américaines sont pénalisées par la force du dollar qui rogne leurs ventes à l'export, érode leurs marges et grignote leurs bénéfices.
"Le dollar fort nuit à la croissance des entreprises américaines", résume Chad Moutray, économiste du lobby industriel National Association of Manufacturers.
"Les exportations américaines sont plus chères et l'incertitude sur l'avenir augmente", renchérit Howard Silverblatt, analyste chez Standard & Poor's. La croissance des exportations américaines a ralenti en fin d'année, à 2,8%.
La liste des victimes du billet vert ressemble à un Who's Who des fleurons économiques du pays: de l'agroalimentaire aux technologies en passant par la pharmacie et les produits de grande consommation, aucun secteur ne semble épargné.
Selon le cabinet FireApps, la réévaluation du dollar va amputer de 12 milliards de dollars les revenus des entreprises américaines en fin d'année.
Si à court terme, les contrats d'assurance sur les fluctuations des devises contractés par certaines sociétés comme Google permettent de limiter les dégâts, le manque à gagner devrait s'amplifier dans les prochains mois, selon les analystes.
Le dollar s'est considérablement apprécié depuis juin face aux autres grandes devises, bénéficiant de la vigueur de l'économie américaine et des anticipations d'une remontée des taux aux Etats-Unis. Face à l'euro, il s'échange ainsi à des niveaux inédits depuis 2003.
A chaque fois, l'analyse est la même: si le dollar est trop haut, les produits américains sont moins compétitifs et plus difficiles à vendre à l'étranger.
Procter & Gamble, le fabricant des rasoirs Gilette, estime que la force du dollar va réduire son chiffre d'affaires annuel de 5% et son bénéfice de 12%, soit au moins 1,4 milliard de dollars.
Idem chez Kimberly-clark, le fabricant des couches-culottes Huggies et des mouchoirs en papier Kleenex, dont les revenus devraient reculer de 3 à 6% cette année à cause du dollar fort.
L'une des entreprises les plus exposées est le groupe agrochimique Dupont, qui réalise 60% de ses ventes à l'étranger. Le raffermissement du billet vert va amputer ses bénéfices de 60 cents par action cette année.
- Tout bon pour L'Oréal, Airbus -
Les effets négatifs du dollar fort sont invoqués, à des degrés divers par McDonald's, IBM, Microsoft, Pfizer ou Facebook.
Même Apple n'est pas immunisé. La marque à la pomme, qui évoque "clairement un vent contraire", a dû augmenter ses prix en Russie devant l'écroulement du rouble face au dollar.
La force du dollar laisse les multinationales américaines face à un choix cornélien: relever leurs prix à l'export au risque de laisser filer leurs clients vers la concurrence ou ne pas bouger et accuser le coup dans leur bilan, avec des marges et des bénéfices en baisse.
Quality Float Works, qui fabrique des capteurs pour réservoirs et réalise un tiers de ses ventes à l'étranger, a dû baisser ses tarifs de 20% pour rester compétitif face à ses concurrents asiatiques. Le groupe a reporté des embauches.
Dans certains cas, la vigueur du dollar s'apparente à une double peine comme chez Caterpillar, dont la demande de gros engins est à la fois affectée par les reports de projets occasionnés par la chute des prix du pétrole, et le taux de change qui augmente le prix de son catalogue.
Pour d'autres, comme le spécialiste des OGM Monsanto, ce sont tout simplement les économies réalisées avec le pétrole bon marché qui s'envolent.
En face, les compagnies étrangères concurrentes se frottent les mains.
Le quatrième trimestre "sera bon" grâce à la force du dollar, se réjouit par exemple Jean-Paul Agon, le PDG de L'Oréal. Un euro plus faible favorise crèmes, mascaras et rouges à lèvres du groupe français, au détriment de ses rivaux américains comme Estée Lauder.
Tout comme un tassement de la monnaie européenne rend plus abordables les prix des grosses cylindrées allemandes. L'avionneur Airbus devrait aussi se trouver favoriser face à son concurrent américain Boeing.
Le yen faible favorise, lui, Toyota, Honda ou Nissan contre General Motors, Ford et FCA US (ex Chrysler) puisqu'ils peuvent se permettre des promotions sans trop de risques de détériorer leurs marges.