La Chine, dont la croissance agace les économies développées essoufflées par la crise, est devenue en 2010 le pays le plus contesté à l'OMC (Organisation mondiale du commerce) avec le plus grand nombre de plaintes, illustrant les tensions grandissantes autour d'une politique commerciale jugée trop agressive.
Sur les douze plaintes déposées depuis janvier auprès de l'Organe de règlement des différends de l'OMC, quatre impliquent la Chine dont trois l'accusent notamment de pratiquer des droits de douane prohibitifs restreignant l'accès à son marché aux exportateurs mondiaux.
Les deux derniers cas émanent des Etats-Unis qui ont dénoncé le 15 septembre l'imposition par Pékin de droits de douane sur de l'acier électrique et une discrimination contre les émetteurs de cartes bancaires américains.
Une précédente plainte de l'Union européenne pointait du doigt en mai un système "déloyal" de taxes antidumping sur les fixations européennes en acier et en fer.
Sur l'échelle du gendarme du commerce mondial, la Chine est talonnée par Bruxelles qui détient le deuxième record de plaintes de l'année.
Reste que la tendance est à une augmentation des cas contre Pékin qui a adhéré à l'OMC en 2001, relève l'expert du Graduate Institut de Genève, Joost Pauwelin selon lequel ce "nombre devrait encore augmenter" car jusqu'à présent les pays avaient préféré les méthodes plus douces de mesures de rétorsions sur les produits chinois.
Mais le succès économique chinois aidant, les pressions des industriels qui dénoncent des pratiques concurrentielles déloyales devenues encore plus sensibles avec la crise, se font de plus en plus intenses, notamment aux Etats-Unis.
La guerre commerciale n'est pas encore officielle mais les pays membres de l'OMC ont déjà rappelé Pékin à l'ordre en juin lors de l'examen de ses politiques commerciales, l'appelant à rendre ses pratiques plus transparentes et à revoir certaines restrictions aux exportations.
Vendredi, le Congrès américain particulièrement remonté contre la Chine a de son côté fait un premier pas vers des mesures de rétorsion contre le pays accusé de manipuler sa monnaie.
Pour les analystes, c'est le modèle économique chinois de capitalisme d'Etat qui est purement et simplement en cause.
Non seulement le pays joue les obstacles aux importations tout en maintenant une monnaie notoirement sous-évaluée mais, fort des premières réserves de change au monde (2.450 milliards de dollars fin juin), il alimente généreusement les grandes entreprises du pays dont il est de fait le premier actionnaire.
C'est ce modèle même qui a permis à la Chine de sortir pratiquement indemne de la crise et se hisser au rang de deuxième économie de la planète.
"Un certain nombre de pays regardent avec envie le modèle chinois qui est devenu le nouveau +consensus de Pékin+" après la mort de celui de Washington qui a régné sur les économies de marché occidentales durant plus de 20 ans, explique M. Pauwelin.
Mais ce modèle rend aussi "complètement fous les Etats-Unis, l'UE ou encore l'Inde et le Mexique" car ces pays n'ont pas les moyens de jouer les vaches à lait, ajoute-t-il.
Pékin a tenté de balayer ces craintes jeudi devant l'ONU en assurant que le pays allait continuer de s'ouvrir au monde.
Jean-Pierre Lehmann, de l'IMD (Institute for management development) de Lausanne, estime ainsi qu'il ne faut pas trop exagérer le "péril jaune".
Selon l'expert, "il y a une paranoïa vis-à-vis de la Chine", un dragon qui a explosé en 15 ans mais qui globalement joue le jeu de l'OMC en se conformant à ses jugements.