Elus des régions et des agglomérations moyennes craignent "un scénario noir de démembrement" du réseau des trains intercités, à quelques jours de la remise au gouvernement d'un rapport officiel sur l'avenir de ces liaisons ferroviaires, déficitaires.
Entre le réseau TGV pour lequel l'Etat a eu les yeux de Chimène et celui des TER bichonné par les Régions, les Trains d'équilibre du territoire (TET)", selon l'appellation officielle (c'est-à-dire les ex-Corail et Téoz) font aujourd'hui figures de parents pauvres.
Circulant de jour comme de nuit, 325 TET desservent quotidiennement plus de 300 destinations en France sur plus de 40 lignes, selon la SNCF. Mais les temps ont changé: "avant, nous avions neuf à dix trains par jour. Aujourd'hui, la population voit passer des trains qui ne s'arrêtent pas", a raconté mercredi le député-maire de Montargis (Loiret) Jean-Pierre Door, lors d'une conférence de presse de Villes de France, regroupant les agglomérations de taille moyenne, et de l'Association des régions de France (ARF). "Nous avons monté des comités locaux de défense des usagers", a-t-il glissé.
Son collègue de Sète François Commeinhes (UMP) a parlé de "quatre trains supprimés entre Bordeaux et Marseille", s'arrêtant jusque là en gare de Sète, "alors que la densité de population est de plus en plus importante". Il faudrait aussi "du matériel roulant de qualité, ce n'est pas le cas partout", d'après Jacques Auxiette, président (PS) de la région Pays de la Loire.
Selon ce spécialiste des transports, le réseau TET accuse aujourd'hui un déficit annuel d'exploitation "de 300 à 400 millions d'euros", pour un chiffre d'affaires de 1 milliard, notamment parce que "le coût km/train en France est le plus élevé d'Europe". Il risque de faire les frais "des choix budgétaires" de l'Etat, selon la présidente de Villes de France Caroline Cayeux, sénateur-maire UMP de Beauvais.
"Tout le monde le sait, la SNCF a une petite idée sur l'avenir (...) L'enjeu, c'est de supprimer plus de la moitié des lignes de TET", a averti M. Auxiette.
Ces associations "expriment leur très vive inquiétude sur les risques d’un scénario noir de démembrement de ces liaisons essentielles pour les territoires". Or, "l'existence, la survie des TET sont extrêmement importantes pour nos villes" et "permettent d'éviter une désertification des territoires", souligne Mme Cayeux.
Commandé par le ministère des Transports, le rapport de la commission présidée par le député PS du Calvados Philippe Duron est donc attendu avec anxiété "d'ici quelques jours", selon les élus.
- Vers une ouverture au secteur privé ? -
Pour M. Auxiette, "le parlement doit se saisir de cette question, sans démagogie". Il réclame "des moyens budgétaires" sur "une dizaine d'années pour garantir l'égalité d'accès des usagers" au transport ferroviaire.
Les élus craignent aussi que l'Etat et la SNCF "profitent" de l'agrandissement des régions en tant qu'entités administratives "pour faire basculer des lignes TET dans de nouvelles relations TER" qui seraient à la charge des régions.
Selon M. Auxiette, les présidents de région pourraient accepter ces transferts "à condition d'obtenir une compensation financière adéquate".
Encouragée par le lobby de l'Association française du rail (Afra), regroupant les entreprises privées du secteur, la concession de lignes à des exploitants privés est aussi dans l'air. Cette "possibilité doit pouvoir exister en France", a affirmé M. Auxiette, dont le parti a pourtant toujours fait du maintien de services publics de qualité une priorité. "Pourquoi ne pas expérimenter l'ouverture d'appels d'offres pour les lignes qui seraient supprimées ?", a avancé Mme Cayeux.
Au motif que la loi Macron va libéraliser le transport inter-urbain par autocar, Villes de France et l'ARF demandent même à l'Etat "d'anticiper la possibilité" de lancer ces appels d'offres, prévus d'ici 2019 au plus tard en vertu d'une directive européenne.