(Reuters) - La probabilité de voir l'euro revenir cette année à la parité avec le dollar, voire en dessous de ce seuil, a diminué depuis un mois pour tomber de 30% à 25%, montre jeudi une enquête de Reuters auprès de responsables de stratégies d'investissement sur les marchés de devises.
Cette évolution intervient alors que la Réserve fédérale américaine a clairement laissé entendre que sa première hausse de taux depuis près de 10 ans, annoncée en décembre, serait suivie d'autres relèvements cette année, ce qui devrait en théorie favoriser l'appréciation du dollar.
La médiane des réponses à l'enquête de cette semaine auprès de plus de 60 professionnels des changes prédit un euro autour de 1,07 dollar dans un mois, 1,05 dollar dans trois mois et 1,03 dollar dans un an.
Le nombre d'analystes prédisant un net recul de l'euro a diminué par rapport aux mois précédents. Certains ont modifié leurs prévisions après la réunion de politique monétaire de décembre de la Banque centrale européenne (BCE), cette dernière ayant déçu les marchés en maintenant le montant de ses achats d'actifs à 60 milliards d'euros par mois et en laissant entendre qu'il ne serait pas augmenté.
"Nous pensons que (le président de la BCE, Mario Draghi) est en train d'atteindre les limites, tant pour ce qui est des contraintes techniques que de la gamme d'actifs à acheter et de la volonté de la Bundesbank de soutenir un nouvel assouplissement de la politique monétaire", écrit Karen Ward, économiste de HSBC.
"Il pourrait être difficile de défendre un affaiblissement de l'euro en 2016 si le cycle de resserrement de la Fed se révèle plus court ou plus progressif que prévu par les marchés."
Les incertitudes sur l'évolution des taux américains cette année ont déjà nui à la demande de dollar récemment, en dépit des déclarations de plusieurs dirigeants de la Fed sur leur sérénité face à la perspective de plusieurs hausses du loyer de l'argent dans les mois à venir.
Mercredi, le compte rendu de la dernière réunion de politique monétaire de la banque centrale américaine a montré que plusieurs membres de son comité restaient préoccupés par la faiblesse de l'inflation.
LA CHINE ET LE "BREXIT" PRÉOCCUPENT
L'évolution des devises cette année dépendra aussi pour une bonne part de celle des risques auxquels est exposée la croissance mondiale, et en particulier de la capacité des autorités chinoises à endiguer le ralentissement de l'économie.
"Si le resserrement de la Fed est son moteur, l'appréciation du dollar sera probablement lente et générale, répartie équitablement entre les grandes devises du 'G4', les matières premières et les devises émergentes", écrivent les responsables de la stratégie de Deutsche Bank dans une note.
"A l'opposé, si la Chine, et en particulier la politique de change de la Chine, devient une source d'instabilité, la hausse du dollar sera concentrée sur les matières premières et les devises émergentes, alors que les devises du G4 surperformeront toutes."
La Banque populaire de Chine a abaissé jeudi le cours pivot du yuan pour la huitième séance consécutive et la devise chinoise a enregistré sa plus forte baisse depuis la dévaluation surprise de 2% annoncée en août, qui avait déclenché des turbulences sur les marchés mondiaux.
Cette politique alimente les craintes d'un ralentissement plus marqué qu'anticipé de l'économie chinoise et favorise le repli sur des monnaies considérées comme des valeurs refuges, comme le yen.
L'indice du dollar, qui mesure l'évolution du billet vert face à un panier d'autres grandes devises, après un gain de plus de 9% en 2015, est attendu à 102,0 à la fin de cette année, soit en hausse de 3% par rapport à son niveau actuel.
Le yen, lui, devrait rester stable d'ici un mois à 121 pour un dollar avant de céder du terrain pour finir l'année à 125 pour un dollar, selon l'enquête.
La livre sterling est quant à elle attendue en légère hausse face au billet vert à 1,50 dollar dans un an contre 1,46 aujourd'hui.
Sur les 42 professionnels ayant répondu à la question de savoir quel était le principal risque pour leurs prévisions, 28 ont cité l'incertitude sur l'avenir de la Grande-Bretagne au sein de l'Union européenne.
(Rahul Karunakar et Hari Kishan, Marc Angrand pour le service français)