"Je les aime", s'emballe Thomas Pfluger à la vue des onze éoliennes plantées sur la colline dominant Wildpoldsried, en Bavière. Comme les autres habitants du "village des renouvelables", M. Pfluger a embrassé les énergies alternatives, et gagne de l'argent avec.
Alors que l'Allemagne vient de se doter d'un régime de subventions aux énergies vertes beaucoup moins généreux, Wildpoldsried a su profiter pleinement, depuis les années 2000, de l'âge d'or des renouvelables. Avec une idée de départ simple: la transition énergétique doit être le fait de tous dans le village, et profiter à tous.
Comme 300 autres habitants, M. Pfluger, développeur informatique de 55 ans, a investi dans la construction des éoliennes. "Ma mise de départ s’élevait à 100.000 euros. Je récupère chaque année environ 6% de cette somme", calcule-t-il.
Ce bénéfice provient de la vente du surplus d’énergie produit par les éoliennes au fournisseur local d’électricité.
"La participation des habitants est l’élément le plus important", estime Arno Zengerle, 59 ans, maire du village depuis 20 ans. "Ils doivent tirer profit eux-mêmes des renouvelables. Si l’on ne faisait intervenir que des investisseurs de l’extérieur, cela ne fonctionnerait pas".
En 2015, les 2.600 habitants du paisible village niché aux pieds des Alpes, ont produit cinq fois plus d’électricité qu’ils n’en ont consommé. Objectif pour 2016: faire passer ce multiple à sept, à l’aide d’un cocktail mélangeant éolien, panneaux photovoltaïques, géothermie, exploitation de la biomasse et économies d'énergie.
- 'Belle inspiration' -
Propriétaire d’une belle maison dans une rue coquette, Martin Hartmann, imprimeur âgé de 33 ans, a opté pour le solaire. Le toit de son garage est recouvert de panneaux.
"Pour moi, c’était un choix logique. Je suis né ici, j’ai grandi avec l’idée que Wildpoldsried est le village de l’énergie renouvelable, alors je m’y suis intéressé très tôt", déclare-t-il, les yeux rivés sur son smartphone.
Celui-ci lui indique en direct sa consommation d’électricité, dont la quasi-totalité est fournie par son installation photovoltaïque et une batterie qui stocke ses surplus de production.
Tous les bâtiments publics de la commune sont auto-suffisants. Certains produisent même plus d’énergie qu’ils n’en consomment. Bénéfice annuel pour la ville après la vente du surplus: environ six millions d’euros. "Autant vous dire que nos impôts ne sont pas très élevés", glisse le maire.
Il accueille très souvent des délégations de diplomates, de fonctionnaires ou d’experts - une centaine de visites chaque année - pour présenter son modèle.
Des entreprises innovantes ont senti la bonne affaire et sont venues s’installer. Sonnen GmbH, fabricant de batteries permettant de stocker les surplus de courant produit à partir du vent et du soleil, en fait partie. "Pour une entreprise comme la nôtre, c’est une belle inspiration", raconte Christoph Ostermann, le fondateur et patron.
- 'Retour en arrière' -
Wildpoldsried a profité d'un régime de subventions très généreux depuis le début des années 2000 qui, pour stimuler les énergies alternatives, garantit au courant vert la priorité dans l'alimentation du réseau, à un prix fixe. Le mécanisme est la pierre angulaire de la transition énergétique de l'Allemagne, en passe de renoncer au nucléaire et à laquelle les renouvelables doivent fournir 80% de sa consommation d'électricité à l'horizon 2050.
Revers de la médaille, des coûts d'énergie en forte hausse, ce qui a conduit le gouvernement à revoir le cadre de son soutien. Dorénavant, les renouvelables devront se soumettre à des mécanismes de marché, par exemple des appels d'offre pour l'installation de nouveaux parcs éoliens. Les associations de protection de l'environnement et professionnels des renouvelables craignent pour la transition énergétique.
"Les énergies renouvelables risquent un retour en arrière", reconnaît aussi M. Zengerle à Wildpoldsried.
Pour sa commune, le régime ne change pas. Les nouvelles règles ne vaudront que pour les nouvelles installations. A Wildpoldsried le gros des efforts porte maintenant sur les économies d'énergie - par exemple avec le passage il y a trois ans de tout l'éclairage public aux ampoules LED.