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Le Conseil d'Etat suspend un arrêté anti-burkini

Publié le 26/08/2016 21:20
© Reuters. UN ARRÊTÉ ANTI-BURKINI SUSPENDU PAR LE CONSEIL D’ÉTAT

par Chine Labbé

PARIS (Reuters) - Le Conseil d'Etat a suspendu vendredi un arrêté dit "anti-burkini" interdisant aux baigneurs portant des vêtements ostensiblement religieux l'accès aux plages de Villeneuve-Loubet, dans les Alpes-Maritimes.

La plus haute juridiction administrative française avait été saisie par la Ligue des droits de l'homme (LDH) et le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui jugeaient ce type d'arrêté "liberticide".

Plusieurs dizaines de maires, la plupart membres du parti Les Républicains (droite), ont pris cet été des arrêtés similaires au nom de risques de troubles à l'ordre public.

"Il ne résulte pas de l'instruction que des risques de trouble à l'ordre public aient résulté (...) de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes", écrit vendredi dans son ordonnance le juge des référés du Conseil d'Etat.

"En l'absence de tels risques, l'émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment de celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d'interdiction contestée."

Le maire LR de Villeneuve-Loubet, Lionnel Luca, ne pouvait édicter cette interdiction "sans excéder ses pouvoirs de police", estime le Conseil, pour lequel l'arrêté litigieux a porté une "atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle".

L'avocat de la LDH, Patrice Spinosi, a salué une décision "qui a vocation à faire jurisprudence".

"Aujourd'hui, tous les arrêtés qui ont été pris doivent se conformer à la décision du Conseil d'Etat", a-t-il estimé. "Le cas échéant, des actions judiciaires sont susceptibles d'être introduites contre ces arrêtés."

DES MAIRES REFUSENT DE SUSPENDRE LEUR ARRÊTÉ

Des maires de différentes couleurs politiques ont toutefois exclu de retirer leurs arrêtés. Il en va ainsi des maires LR de Mandelieu-la-Napoule et de Nice (Alpes-Maritimes), de David Rachline, maire FN de Fréjus (Var), ou d'Ange-Pierre Vivoni, édile socialiste de Sisco (Haute-Corse).

Ce dernier avait pris son arrêté après une rixe entre des riverains et une famille d'origine maghrébine attribuée à tort au port d'un burkini, un costume de bain couvrant l'essentiel du corps utilisé par des femmes musulmanes.

Lionnel Luca a fustigé l'analyse du Conseil d'Etat, qui ne peut selon lui "qu'aviver les passions et les tensions, avec les risques de troubles" qu'il voulait "justement éviter".

Son arrêté courrait jusqu'au 15 septembre et interdisait l'accès à la baignade à toute personne "ne disposant pas d'une tenue correcte, respectueuse des bonnes moeurs et du principe de laïcité". Selon Lionnel Luca, "ça visait tout le monde".

"La polémique vient d'associations qui essayent de gagner du terrain", a ajouté le maire de Villeneuve-Loubet lors d'un point de presse. "Elles peuvent être satisfaites, l'islamisation rampante progresse dans notre pays."

Pour lui, seule une loi peut désormais prévenir des troubles. Les Républicains ont annoncé qu'ils déposeraient dès la rentrée parlementaire une proposition de loi en ce sens pour "sécuriser" les arrêtés "anti-burkini".

La polémique sur le burkini divise la classe politique, jusque qu'au gouvernement, où deux ministres ont pris leurs distances avec la multiplication des arrêtés d'interdiction, soutenus par le Premier ministre Manuel Valls.

SOULAGEMENT DE LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE

"Le Conseil d'Etat s'est exprimé en droit (...) J'espère qu'il va clore cette mauvaise polémique", a réagi sur BFM TV Razzy Hammadi, porte-parole du Parti socialiste au pouvoir.

Le soulagement est perceptible dans la communauté musulmane, où grandissait la peur d'une stigmatisation, ce qui a amené le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, à organiser lundi prochain une journée de consultations sur l'Islam de France avec ses représentants, des parlementaires et d'autres personnalités.

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a salué une décision qui va "dans le bon sens".

Cela "va mettre fin au raidissement de certains hommes politiques", a dit à Reuters son secrétaire général, Abdallah Zekri, pour qui le burkini n'a "rien à voir avec la religion".

Devant la mosquée de Paris, des fidèles se sont aussi réjouis de l'ordonnance du Conseil d'Etat. "C'est une décision normale, la France est un pays démocratique", a dit à Reuters Hakim, 42 ans. "Il y a des plages pour nudistes, alors pourquoi ne pas autoriser les femmes à porter le burkini ?"

© Reuters. UN ARRÊTÉ ANTI-BURKINI SUSPENDU PAR LE CONSEIL D’ÉTAT

Pour Abdallah Zekri, cette décision "est une claque pour le Premier ministre" mais aussi "un coup de pied au derrière pour Nicolas Sarkozy", ex-chef de l'Etat et candidat à la primaire de la droite et du centre pour l'élection présidentielle de 2017, qui a fait de l'interdiction du burkini un argument de campagne.

(avec Bate Felix et service France, édité par Emmanuel Jarry) 2016-08-26T131445Z_1_LYNXNPEC7P0VB_RTROPTP_1_FRANCE.JPG

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