par Paul Sandle et Martinne Geller
LONDRES (Reuters) - British American Tobacco (LON:BATS) (BAT) a annoncé vendredi son intention de racheter les 57% du capital de son concurrent américain Reynolds American qu'il ne possède pas encore, une opération de 47 milliards de dollars (43 milliards d'euros) qui créerait le premier groupe de tabac coté au monde en regroupant des marques telles que Kent, Lucky Strike et Pall Mall.
Cette offre d'achat en numéraire et en titres permettrait à BAT de revenir sur le marché américain après 12 ans d'absence et en ferait le seul grand acteur du marché disposant d'une présence forte à la fois aux Etats-Unis et dans le reste du monde.
Elle lui assurerait aussi le contrôle de marques plus haut de gamme comme Camel, qui disposent d'un potentiel de croissance important dans les pays émergents où la demande pour les cigarettes occidentales est en hausse.
Le mariage faciliterait également l'intégration des activités des deux groupes dans la cigarette électronique.
Un rachat à 100% de Reynolds par BAT était depuis longtemps considéré comme une étape pratiquement inévitable du processus de concentration du marché mondial du tabac, mais le calendrier de l'annonce a surpris certains observateurs.
"Ce projet parvient à être à la fois totalement attendu et surprenant", résume ainsi Shane MacGuill, analyste d'Euromonitor.
Le bouclage définitif du rachat de Lorillard par Reynolds et les valorisations relatives de Reynolds et BAT ont été les principaux facteurs incitant le britannique à annoncer son projet, ont dit à Reuters deux personnes proches de l'opération.
L'action BAT a atteint des records en Bourse depuis que la Grande-Bretagne a décidé de quitter l'Union européenne (UE) le 23 juin dernier, ce qui a eu pour effet de faire chuter la livre et de doper les cours des actions des entreprises qui réalisent l'essentiel de leur chiffre d'affaires en dehors du Royaume-Uni.
Le titre Reynolds a au contraire touché un plus bas de 12 mois mercredi, en raison de résultats trimestriels inférieurs aux attentes du marché.
LE MARCHÉ MONDIAL EST DOMINÉ PAR SIX GRANDS ACTEURS
L'action BAT, qui a atteint un pic de 5.135 pence en juillet, cédait 0,5% à 4.780,5 pence en Bourse de Londres vers 14h15 GMT. A Wall Street, Reynolds gagnait au même moment 16,28% à 54,85 dollars.
Le groupe britannique, qui détient déjà 42,2% du capital de Reynolds, propose 56,50 dollars par action pour les 57,8% restants, dont 24,13 dollars en numéraire et 32,37 dollars en titres, ce qui représente une prime de 19,8% par rapport au cours de clôture de Reynolds jeudi.
L'OPA, l'une des plus grosses lancées par une société britannique cette année, serait ainsi au total de 20 milliards de dollars en cash et de 27 milliards de dollars en titres.
Nicandro Durante, le directeur général de BAT, a précisé que l'opération créerait le numéro un de la cigarette aux Etats-Unis, ainsi que le premier cigarettier mondial coté par le chiffre d'affaires et le résultat d'exploitation.
"D'un point de vue stratégique, l'opération semble parfaitement logique", estime Guy Ellison, analyste d'Investec Wealth & Investment, qui met en avance le fait que le marché américain est protégé par d'importantes barrières à l'entrée et le potentiel offert par la cigarette électronique, un segment sur lequel investissent tous les grands acteurs du tabac.
BAT estime que le rachat de Reynolds aurait un impact positif sur ses résultats dès la première année et chiffre les économies potentielles à 400 millions de dollars.
Reynolds a simplement déclaré qu'il allait étudier l'offre et y répondre en temps voulu.
L'OPA de BAT est l'une des dernières qui reste encore possible dans un secteur du tabac dominé par six acteurs.
Au-delà de son intérêt pour le marché américain, BAT cherche à se développer dans des pays tels que l'Ukraine, le Bangladesh, la Russie, le Vietnam et la Turquie où les fumeurs optent de plus en plus pour des produits haut de gamme tels que Dunhill, Lucky Strike, Pall Mall et Rothmans.
Les marques de BAT sont vendues dans plus de 200 pays et sont en tête dans 55 d'entre eux au moins.
(Benoit Van Overstraeten et Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Angrand)