PARIS (Reuters) - Le Parti socialiste a vu lundi des raisons d'espérer après la percée inattendue à la primaire de la droite de François Fillon, candidat "ultra-libéral, ultra anti-social" aux yeux d'une gauche dispersée à la recherche d'une stratégie pour 2017.
Le parti majoritaire, handicapé par ses divisions et le désamour de l'opinion à son égard, voit dans la finale surprise entre François Fillon et Alain Juppé la preuve de l'adage cher à François Hollande selon lequel en politique, rien ne se passe jamais comme prévu.
"Les campagnes, ça existe, les élections ne sont pas jouées d'avance", a dit à Reuters un ami du chef de l'Etat dont le calendrier, inchangé selon ses proches, prévoit une annonce en décembre, c'est-à-dire à partir de la semaine prochaine, sur ses intentions de briguer ou non un second mandat.
Pour le Premier ministre Manuel Valls, le succès de la primaire de la droite, qui a mobilisé plus de quatre millions de Français, est un "beau défi" lancé à la gauche pour son scrutin interne des 22 et 29 janvier.
L'affluence "montre qu'il y a une volonté de participation chez nos compatriotes. Ils veulent faire entendre leur voix", a-t-il déclaré à Alfortville, en banlieue parisienne.
"EXIGENCE DÉMOCRATIQUE"
"C'est aussi un beau défi qui est lancé à la gauche", a ajouté le Premier ministre, pour qui la primaire ouverte de son camp "doit être de la même qualité, avec la même exigence démocratique, elle doit être à la hauteur du moment démocratique dans lequel nous entrons."
Pour le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, le raz-de-marée Fillon a le mérite de la clarté.
"Ultra-conservateur, ultra-libéral, ultra anti-mariage pour tous, ultra anti-social. Il coche toutes les cases", a-t-il énuméré sur franceinfo.
Un ministre espère que la qualité du débat droite-gauche s'en trouvera conforté.
"Fillon, c'est le candidat au programme et au projet économique et sociétal les plus à droite, ça nous offre la perspective d'une discussion de fond", a-t-il dit à Reuters. "Est-ce que ça nous aidera ou pas ? Difficile à dire."
Le PS est conscient que la droite sera dimanche en ordre de bataille et la gauche toujours dans l'attente de sa primaire de janvier à laquelle ont refusé de participer deux prétendants sérieux : Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron, qui font cavalier seul.
"Les électeurs nous disent 'pour nous la primaire, c'est une innovation démocratique que nous soutenons'", a déclaré sur BFM TV le député PS Christophe Borgel. "Tous ceux qui disent aujourd'hui 'on ne participe pas à une primaire de la gauche' doivent y réfléchir à deux fois".
LA BALLE DANS LE CAMP DE HOLLANDE
Invité lundi par Jean-Christophe Cambadélis à rejoindre la primaire, Emmanuel Macron a de nouveau décliné l'offre, au risque de favoriser un éparpillement des voix redouté au PS, que les instituts de sondages voient éliminé du second tour de la présidentielle.
"On s'adaptera au candidat que la droite choisira dans huit jours et la campagne commencera", analyse Corinne Narassiguin, porte-parole du PS. "Plus les lignes à droite sont claires mieux c'est. Mais la dispersion à gauche sera plus problématique encore face à une droite centrée sur son coeur de valeurs".
L'incertitude quant à la candidature de François Hollande ne saurait à ses yeux durer trop longtemps, une fois clarifié le choix des Républicains.
"La dynamique de cette primaire fait qu'il vaut mieux que le président annonce sa décision à une date très proche du deuxième tour plutôt que le dernier jour du dépôt de candidatures pour la primaire de la gauche (le 15 décembre-NDLR)", dit-elle.
La balle est donc dans le camp de François Hollande, qui a analysé les résultats du scrutin avec Manuel Valls, lui-même considéré comme un possible recours à gauche si le président renonce.
Apparemment insensible aux mauvais sondages et à l'agitation dans son propre camp, le chef de l'Etat truffe ses discours de messages évoquant le nécessaire rassemblement, sa détermination sans faille ou l'importance de préserver le modèle social et une fonction publique consistante.
Manuel Valls a, de son côté, mis en garde lundi contre les "solutions ultralibérales et conservatrices" proposées par l'opposition.
(Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)