La lutte entre deux géants miniers, le Chilien Codelco, N.1 mondial du cuivre, et l'Anglo-sud-africain Anglo American, a franchi un palier de plus lundi avec l'annonce de l'exercice par Codelco de son option d'achat d'une filiale d'Anglo, une option désormais contestée par Anglo.
Le groupe public Codelco, qui produit 11% du métal rouge mondial, a informé l'autorité boursière chilienne SVS qu'il exerçait, comme indiqué en 2011, "son droit d'achat" de 49% des parts d'Anglo American Sur (AAS). Des documents en ce sens ont aussi été délivrés à Anglo American à Santiago.
AAS possède au Chili deux mines importantes, Los Bronces et El Sodado, une fonderie et deux projets d'exploration, soit une production de 260.000 tonnes de cuivre par an.
La démarche lundi est la première étape de la concrétisation d'une option d'achat qui revenait à Codelco tous les trois ans en janvier, aux termes d'un contrat datant de 1978.
Selon Codelco, le prix d'acquisition de 49% d'AAS "se situerait autour de 6 milliards de dollars", financés grâce à un accord annoncé en octobre avec la maison de négoce japonaise Mitsui.
Mais la transaction, décrite à l'échelle chilienne comme "l'affaire du siècle" pour Codelco, avec en toile de fond les cours records du cuivre ces dernières années, est devenue l'objet d'un bras de fer entre les deux géants, à la suite de la cession surprise en novembre par Anglo American de 24,5% d'AAS - auparavant détenue à 100% - au Japonais Mitsubishi.
Cette cession, pour 5,39 milliards de dollars, avait amené une riposte immédiate de Codelco: accusant Anglo American de vouloir l'empêcher d'exercer ses droits, il a obtenu de la justice le gel de nouvelles cessions d'AAS, le temps que soit examinée la transaction sur le fond.
Anglo, qui estime avoir respecté le contrat, avait dénoncé en retour un "abus de pouvoir" de Codelco, porté plainte, réclamé des dommages et intérêts, et demandé à la justice de "rendre inopérante" l'option d'achat de Codelco sur AAS.
Lundi, le groupe anglo-sud-africain a persisté, affirmant dans un communiqué qu'il n'est "obligé de vendre aucune des actions d'AAS à Codelco".
"Conformément à la législation chilienne, et étant donné que Codelco n'a pas honoré le contrat, Codelco ne dispose pas du droit d'exercer son option en lien avec Anglo American Sur, et en conséquence, une quelconque prétention à exercer cette option n'est assortie d'aucun effet", indique le communiqué.
Codelco pour sa part a prévenu qu'il "exercera toutes les actions nécessaires pour défendre et faire valoir ses droits" sur AAS.
Mais le groupe chilien a aussi ouvert la porte à un éventuel règlement financier, tout en plaçant la barre haut: que cet accord "respecte la valeur (financière) de 49%" des parts d'AAS au coeur du bras de fer.
"Dans la mesure où le résultat de la transaction serait équivalent à ce que nous aurions en exerçant (l'option d'achat sur) les 49%, c'est une option qui pourrait être envisagée" par Codelco, a déclaré à la presse Thomas Keller, président executif du groupe.
Codelco "pourrait accepter éventuellement d'acquérir 24,5%" des parts d'AAS, "au cas où la transaction prend trop de retard", a précisé le président du directoire Gerardo Joffre. "Mais qu'il soit clair que nous voulons les 49%" ou la valeur financière de cette option, a-t-il ajouté.
Faute d'accord, la multiplication de recours légaux déjà déposés depuis deux mois devant les tribunaux chiliens augurerait, selon des analystes cités dans la presse chilienne, d'une bataille légale de plusieurs années.