Soupçonnés de vouloir renier les promesses de la campagne présidentielle, à commencer par l'emblématique taxe à 75% sur les plus hauts revenus, François Hollande et le gouvernement ont martelé vendredi qu'ils tiendraient tous leurs engagements dans le budget 2013.
"J'ai pris des engagements et ils seront tenus", a assuré le chef de l'Etat lors d'un déplacement à Evian (Haute-Savoie) vendredi soir.
Lors d'une audience solennelle de la Cour des comptes en début de journée, il avait réitéré "l'engagement pris par la France de ramener le déficit public à 3% (du produit intérieur brut) à la fin de l'année 2013", contre 4,5% du PIB cette année.
"Ce sera l'effort budgétaire le plus important depuis 30 ans", avait-il souligné.
Le gouvernement doit boucler d'ici fin septembre son projet de loi de Finances et M. Hollande a reconnu que "le ralentissement économique" rendait "encore plus ardu", mais "encore plus nécessaire", cet objectif représentant "un peu plus de 33 milliards d'euros" en économies ou impôts nouveaux.
Reste que sur le fond, les incertitudes subsistent. "Les arbitrages sont en cours", répètent à l'envi Bercy, Matignon ou l'Elysée.
Du coup, les fuites se multiplient: le gouvernement semble sur le point de repousser, ou de vider de leur substance, bon nombre d'engagements électoraux.
Le plus symbolique est celui d'une contribution exceptionnelle de 75% sur la part des revenus dépassant un million d'euros par an, qui, de l'aveu même d'un membre du gouvernement, se révèle un "casse-tête" à mettre en oeuvre.
Le ministre délégué au Budget Jérôme Cahuzac a déjà annoncé que la ponction ne durerait que "le temps du désendettement" et épargnerait "artistes, écrivains, cinéastes".
Or, selon Les Echos et Le Figaro, la facture pourrait être allégée pour les plus fortunés: la taxation s'appliquerait aux seuls salaires, excluant les revenus du capital. En outre, les couples ne seraient imposés qu'à partir de deux millions d'euros, alors que le candidat Hollande avait assuré que la super-taxe frapperait à partir d'un million "par foyer fiscal".
Les Echos ajoutent que CSG et CRDS seraient intégrées au taux d'imposition global de 75%, ce qui abaisserait la contribution en tant que telle à 67%.
Ainsi aménagée cette taxe "ne contribuera pas à réduire les inégalités de revenus" et serait "avant tout symbolique", a relevé le principal syndicat des agents des impôts, Solidaires.
Face au début de procès en reniement des engagements électoraux, le président Hollande a rétorqué vendredi soir que cette contribution sera mise en oeuvre "à partir de 1 million d'euros" de revenus.
"Il va y avoir des appels à la solidarité, il est normal que ce soient les hauts revenus qui contribuent davantage", a-t-il justifié. Mais il s'est gardé de préciser si le seuil du million s'appliquerait par foyer fiscal ou par personne.
Selon le ministre des Finances, "les modalités techniques" de la future taxe "sont en cours d'élaboration". Mais, a assuré Pierre Moscovici à l'AFP, "cet engagement du président de la République sera strictement respecté". "Toute autre interprétation est sans fondement", a-t-il ajouté.
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, confirmant lui aussi que l'engagement serait "tenu", a qualifié les échos parus dans la presse d'"informations qui s'avèrent inexactes".
D'autres points d'interrogation demeurent. La déductibilité des intérêts d'emprunt des entreprises, censée être supprimée, pourrait n'être que rabotée. Et la réforme de l'impôt sur les sociétés, pour en moduler le taux en fonction de la taille de l'entreprise, pourrait, de sources gouvernementales, être repoussée à un "paquet compétitivité" au premier trimestre 2013.
M. Hollande a promis vendredi de répartir la charge fiscale entre PME et grands groupes "de façon à mieux prélever sans nuire à la compétitivité".
Il a aussi exclu toute "augmentation générale et indifférenciée des impôts sur les ménages". Or, de source gouvernementale, l'exécutif devrait maintenir en 2013 le gel du barème de l'impôt sur le revenu décidé par l'ancienne majorité et qui s'apparente justement à une hausse généralisée.