Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, la réforme bancaire dite Bâle III prend du retard et ne devrait pas être prête début 2013, comme prévu, mais le sujet est quasiment déjà réglé pour les marchés qui n'ont pas attendu pour fixer leurs exigences.
Présenté fin 2010 par le Comité de Bâle, chargé de l'élaboration des règles prudentielles qui doivent ensuite être déclinées dans le monde entier, le canevas Bâle III prévoit un renforcement drastique des fonds propres et des réserves de liquidités pour rendre les banques plus solides.
Le Comité avait fixé un calendrier d'application progressive, compris entre 2013 et 2018.
Mais vendredi, la Réserve fédérale américaine a annoncé que le nouveau cadre réglementaire, issu de Bâle III, ne serait pas finalisé en début d'année prochaine, tout en réaffirmant que les autorités américaines prenaient "au sérieux" cette réforme et y travaillaient d'arrache-pied.
"Bâle III semble ne pas devoir être appliqué dans la zone d'où est partie la crise", a réagi jeudi le PDG de Société Générale, Frédéric Oudéa.
Côté européen, les négociations piétinent et rien n'a été décidé à l'issue de la réunion des ministres des Finances en début de semaine.
"Les reports et les échecs aux Etats-Unis ne devraient pas être une raison pour nous de ne pas faire ce qui est nécessaire pour nos économies", a fait valoir jeudi le directeur général au Marché intérieur de la Commission européenne, Jonathan Faull.
Des points d'achoppement
La présidence chypriote de l'Union européenne a dit espérer un accord avant la fin de l'année, concédant néanmoins que "des points cruciaux restaient à résoudre", selon le ministre des Finances, Vassos Shiarly.
La Fédération bancaire européenne (EBF) y croît elle-aussi mais pense davantage à un consensus général qui nécessiterait ensuite un délai supplémentaire pour être mis en musique.
"Il est très important (...) que la réforme Bâle III soit mise en place par tous, sinon cela n'a pas de sens", a toutefois expliqué à l'AFP le directeur général de Natixis, Laurent Mignon.
Parmi les points d'achoppement en Europe figure en bonne place celui de la latitude qui serait laissée ou non aux Etats pour fixer le niveau minimum de fonds propres imposé aux banques.
Les dirigeants de banques françaises disent aussi inlassablement leur inquiétude quant au calibrage des nouvelles exigences en matière de liquidités, qui pourrait faire l'objet d'un assouplissement par le Comité de Bâle.
Pour Thomas Rocafull, directeur services financiers au sein du cabinet Sia conseil, le retard pris pourrait s'expliquer, pour partie, par le contexte économique très difficile qui inciterait les dirigeants à temporiser.
"C'est bien de renforcer les exigences, de limiter les risques mais à le faire en bas de cycle économique, en période de mauvaise conjoncture, on se pénalise deux fois", observe-t-il, au risque notamment de pénaliser l'offre de crédit.
Pour beaucoup, hormis le sujet de la liquidité, les enjeux sont désormais limités. Ces annonces de retard sont "un non-événement total", relève ainsi un analyste sous couvert d'anonymat. Car le marché a fait sa religion depuis plus d'un an et imposé aux banques de s'aligner sur les recommandations du Comité de Bâle, sans attendre leur inscription dans la loi.
Les grands établissements se sont exécutés immédiatement et affichent depuis l'automne 2011 après un ratio de fonds propres "durs" (capital et bénéfices mis en réserve rapportés aux crédits consentis) de 9%, annoncé comme la future norme qu'ils devraient tous atteindre ou presque en 2013.
En chemin, beaucoup ont réduit leurs engagements, diminué la voilure en banque de financement et d'investissement et tous chassent les dépôts, dont l'importance est très nettement renforcée dans Bâle III.