Les dirigeants européens ont échoué vendredi à s'entendre sur le budget de l'UE 2014-2020, car leurs exigences étaient impossibles à concilier, et ils devront faire beaucoup de concessions pour parvenir à une accord lors d'un prochain sommet au début de l'année prochaine.
Alors que cet échec ternit un peu plus l'image de l'Europe, les chefs d'Etat et de gouvernement ont tous cherché à minimiser ses conséquences. Mais sous couvert de l'anonymat, les membres des délégations se cachaient pas leur inquiétude, tant les divergences sont grandes.
Le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a déclaré avoir reçu mandat de continuer le "travail" pour rechercher un "consensus". "Un accord est possible en début d'année prochaine", a-t-il soutenu lors d'une conférence de presse, faisant état d'un "degré suffisant de convergences" entre les dirigeants des 27.
Il a annoncé qu'il "commencerait des consultations dès la semaine prochaine".
"Je suis très pessimiste sur un changement dans les positions d'ici le prochain sommet", a toutefois confié à l'AFP un diplomate impliqué dans les négociations.
"Aucune date n'a encore été arrêtée pour ce nouveau sommet", a-t-il précisé. Il pourrait être organisé entre la fin du mois de janvier et le début du mois de février.
"Ce sommet a montré une absence totale d'esprit européen", a-t-il lancé, cinglant. "Toutes les positions ont montré des replis nationaux et tout ce qui a été proposé, ce sont des coupes dans les politiques pour l'avenir afin de financer des politiques du passé", a-t-il déploré.
Le chef du gouvernement italien Mario Monti, d'ordinaire très posé, a fustigé les prises de position de certains de ses homologues. "Je vois de la démagogie dans les attaques contre le budget européen, et elles me semblent incohérentes", a-t-il lâché au cours de sa conférence de presse.
M. Monti n'a nommé personne, mais la cible de cette pique était le Premier ministre David Cameron, dont l'intransigeance est une des causes de l'échec.
La position de la chancelière allemande Angela Merkel a également suscité beaucoup de perplexité. Elle a été une des plus dures, réclamant plus de 20 milliards de réductions supplémentaires par rapport à la proposition soumise par M. Van Rompuy, a confié un diplomate.
Le président du Conseil européen a annoncé qu'il faudrait de "nouvelles coupes", et a pour la première fois parlé de toucher au budget de 62,6 milliards alloué pour le fonctionnement des institutions et les salaires de leurs personnels.
Dans son dernier projet, il maintenait sa proposition initiale d'un budget de 973 milliards d'euros, soit 1,01% du PIB européen, et redistribuait des financements prélevés sur certains postes pour les réallouer à l'agriculture et aux fonds de cohésion destinés aux régions les plus pauvres.
David Cameron n'a pas apprécié la méthode. "Ce n'est pas le moment de faire du bricolage, il ne s'agit pas de déplacer de l'argent d'un poste budgétaire à l'autre. Nous avons besoin de tailler dans les dépenses", a-t-il soutenu.
M. Van Rompuy peut aller un peu plus loin. "Il va taper dans les politiques pour la compétitivité et la croissance, et grappiller sur les institutions. Tout cela ne permet pas de faire une politique européenne", a déploré un membre de la Commission européenne.
Toutes ces concessions n'ont pas suffi pour débloquer un accord vendredi. En fait, "tout le monde est mécontent", a commenté un négociateur.
"Personnellement, je ne peux pas souscrire à une telle proposition", a averti Mario Monti.
Le président français François Hollande s'est en revanche voulu positif. "Ce Conseil a été utile et a correspondu à une étape souhaitable pour chercher un accord", a-t-il affirmé.
Mais cet affichage ne convainc pas. "La France ne va pas pouvoir préserver l'enveloppe pour la politique agricole", a averti un négociateur.
Chacun va désormais tenter de justifier l'échec du sommet. Pour David Cameron, c'est une victoire. Il n'a cédé sur rien, conservé le mythique rabais sur la contribution britannique, obtenu que la négociation se fasse sur un budget en réduction et, "cerise sur le gâteau", mis sur la table les rémunérations des fonctionnaires européens.
François Hollande, en revanche, n'est pas parvenu a une position de négociation commune avec l'Allemagne, et n'a obtenu "aucun soutien" d'Angela Merkel pour ses demandes sur la PAC. Seulement de "la compréhension", a reconnu un négociateur français.