Réduction de la vitesse, bateaux géants, traction par des cerfs-volants ou carburation au gaz: le groupe marseillais CMA-CGM, troisième armateur mondial de transport maritime en conteneurs, innove pour réaliser des économies de carburant.
Confronté à la volatilité des cours du pétrole, le groupe phocéen, comme ses principaux concurrents du secteur du transport maritime, multiplie les pistes pour économiser les énergies fossiles.
CMA-CGM (Compagnie maritime d'affrètement-Compagnie générale maritime), vient de lancer "le plus grand porte-conteneurs au monde", le Marco-Polo, mesurant près de 400 m et d'une capacité de 16.000 EVP (équivalent vingt pieds, taille standard d'un conteneur, NDLR). Le mastodonte est en train de réaliser sa première rotation entre l'Asie et l'Europe et doit rejoindre le Havre à la mi-décembre.
"Plus le bâtiment est gros, plus on fait des économies d'échelle. Il y a 10 ans on transportait 6.500 EVP avec un moteur de 100.000 chevaux, aujourd'hui pour un 16.000 EVP ont est toujours à 100.000 chevaux", explique Luc Portier, le directeur Projets, Études et Développement au sein du groupe phocéen.
Selon lui, "l'accroissement de la taille des navires va de pair avec une baisse de la vitesse", ou "slow steaming". Les bateaux sont ralentis de 24 nœuds à 18/21 nœuds, voire même à 14 nœuds pour le "very slow steaming".
"C'est une tendance lourde de ces dernières années, on ne conçoit plus de navire pour aller à 26 nœuds", lance Luc Portier. Il explique que la vitesse coûte cher: "Un navire de 13.000 EVP à 12 nœuds consomme 60 tonnes de fioul par jour, à 22 nœuds il consomme 180 tonnes par jour et à 25 nœuds 330 tonnes par jour".
"Le carburant représente entre le tiers et la moitié de la dépense. C'est un coût volatile, il varie du plus haut au plus bas, on essaie par conséquent de le minimiser", justifie le directeur des projets.
Dorénavant, plus question d'aller au maximum des performances, les armateur "accélèrent en fonction de la valeur ajoutée de la cargaison".
Cette "course à la lenteur" a obligé les motoristes à repenser leurs gammes pour le slow steaming: "Nous avons adapté la carburation des navires en circulation et nous travaillons avec les principaux motoristes (l'allemand Mann et le finlandais Wärtsilä, NDLR) sur des nouvelles générations de moteurs diesel deux temps qui auront un meilleur rendement à basse vitesse", souligne Ludovic Gérard, architecte naval et directeur central de CMA Ships.
Des bateaux tractés par cerfs-volants
Il explique que "l'étape suivante" sera probablement le changement de carburant et le passage du pétrole au gaz. "Le gaz offre l'avantage d'être une ressource présente en quantité importante et il est beaucoup moins polluant grâce à une combustion bien meilleure", affirme ce dirigeant, ajoutant que les navires en service pourront être "facilement modifiés".
Ludovic Gérard affirme qu'il y a toujours moyen d'agir sur "les formes de carènes, les appendices sous-marins qui améliorent le rendement de la propulsion ou d'adapter le bulbe (renflement à l'avant)", afin de grappiller "quelques pourcents de consommation".
Enfin, dernière piste, CMA-CGM réfléchit, comme son concurrent allemand Beluga, sur la traction par cerf-volant.
Si du côté allemand, on travaille sur un système de voile avec armature de grande dimension prévue pour flotter à une altitude de 100 à 300 mètres, de son côté CMA-CGM a un projet pour tester un cerf-volant développé par le navigateur Yves Parlier, une voile à caissons (armatures gonflables) apparentée à celles utilisées en kitesurf.
"On envisage de pouvoir assurer 20% de la propulsion d'un porte-conteneurs", estime Yves Parlier, qui espère pouvoir réaliser un test grandeur nature sur un navire du groupe marseillais dès 2014.
(www.parlier.org/beyond_the_sea)