L'Irlande sera le 1er janvier la première nation bénéficiaire d'un plan de sauvetage à prendre la présidence de l'Union européenne, une occasion dont ce pays souvent qualifié de "bon élève" veut se servir pour promouvoir la croissance et l'emploi qui restent chez lui fragiles.
Dublin a obtenu en novembre 2010 un plan d'aide de 85 milliards d'euros de la Troïka (FMI-UE-BCE), alors que le pays, plombé par son secteur bancaire, connaissait une grave crise économique.
Saluée depuis pour ses progrès, l'Irlande a désormais pour ambition d'être le premier pays de la zone euro à sortir de ce plan d'aide en 2013, avant la Grèce et le Portugal.
Et affiche pour sa présidence de l'UE l'objectif de "proposer des mesures destinées à promouvoir l'emploi et la croissance", déclare à l'AFP le ministre des Affaires étrangères et du Commerce, Eamon Gilmore. "Ce ne sont pas que des mots, promet-il. Il y a un certain nombre de mesures législatives clefs que nous voulons faire avancer".
Soucieux de limiter les frais liés à cette présidence, Dublin a par ailleurs trouvé un accord avec sept sponsors, notamment le constructeur Audi, d'une valeur de 1,4 million d'euros.
Le pays, qui a présenté début décembre son sixième budget de rigueur successif, a fait à l'été dernier son retour sur les marchés financiers. Il a aussi renoué, bien que timidement, avec la croissance, enregistrant une légère progression de son PIB au deuxième trimestre (+0,4%) et au troisième (+0,2%).
"Il y a encore un an et demi, on pensait qu'il y avait de gros risques que l'Irlande fasse défaut. Ses progrès depuis ont été vraiment très impressionnants", juge John McHale, professeur d'économie à l'Université nationale d'Irlande à Galway. "Mais des risques importants subsistent; même si les résultats du troisième trimestre sont assez encourageants, la croissance reste incertaine", dit-il.
Et le chômage reste élevé -14,6% en novembre-, au sein d'une population qui subit de plein fouet les douloureuses mesures d'austérité imposées en contrepartie du plan d'aide.
Tom McSweeney, de la Société de St Vincent de Paul, principale organisation caritative irlandaise, constate que "la pauvreté gagne du terrain dans les classes moyennes, avec des effets dévastateurs".
"La semaine dernière nous avons reçu environ 6.000 coups de fil de gens dans le besoin. Entre 30 et 40% de ces personnes ne nous auraient jamais contactés auparavant", estime-t-il.
Malgré les objectifs affichés par le gouvernement, Tony Foley, professeur d'économie et de commerce à Dublin City University, ne voit pas son pays renouer avec les niveaux d'emploi atteints pendant la période prospère du "Tigre Celtique" dans les années 1990.
"Je crois que nous avons une vision de l'Irlande déformée par cette ère du Tigre Celtique. Historiquement, nos performances ne sont pas caractérisées par le plein emploi et des revenus en hausse mais par le chômage et l'émigration", souligne-t-il.
Les Irlandais sont encore sous le choc du nouveau tour de vis annoncé en décembre par le gouvernement, qui va couper dans les budgets de la santé et des affaires sociales et créer un nouvel impôt.
"J'aimerais que les hommes politiques vivent ma vie, le temps d'une journée", soupire Anne Hughes, de Tullamore (centre). Mère d'une fille handicapée mentale de 33 ans, elle a vu ses allocations baisser de 20% et peine à payer toutes les "factures qui attendent sur la table de la cuisine".
Si contrairement à d'autres pays européens, le pays n'a pas connu de violentes manifestations, la population "est fatiguée de l'austérité", souligne Tony Foley. "Les gens commencent à se dire que toutes ces coupes et baisses de salaires seront permanentes".
Dublin, qui succède à Chypre à la présidence tournante de l'UE, voudrait négocier un accord sur sa dette bancaire, avec l'espoir d'alléger le fardeau qui pèse sur le pays.