L'Islande, souvent louée pour la gestion radicale de sa crise bancaire, peut, après plusieurs années, apprendre une leçon à Chypre: la patience nécessaire avant de retrouver un fonctionnement économique normal.
L'île volcanique avait un peu le même problème que Chypre, avec des banques d'une taille démesurée par rapport à son économie. Quand elles se sont effondrées en 2008, elle a décidé, comme Chypre en 2013, d'en laisser faire faillite.
"Il y a des similitudes: certains déposants ont été mis à contribution après ce qui était dans le fond la même histoire, la débâcle d'un secteur financier qui était extrêmement grand", relève Jacob Kierkegaard, économiste au Peterson Institute de Washington.
Tout s'est joué en très peu de temps en Islande.
Le 15 septembre 2008, quand la banque d'affaires américaine Lehman Brothers fait faillite, les marchés mondiaux du crédit sont gelés du jour au lendemain.
Pour les trois grandes banques islandaises (Glitnir, Landsbanki, Kaupthing), c'est rapidement la faillite qui menace. Elles, qui ont financé à coût d'emprunts une expansion internationale effrénée, ont un besoin vital de ces marchés.
Le gouvernement choisit la manière forte, et obtient du Parlement l'autorisation de prendre le contrôle de ces banques. Ce sera fait dès le 9 octobre.
Les créanciers, les actionnaires et les épargnants étrangers paient les pots cassés. C'est probablement une première dans l'histoire financière mondiale: des groupes naguère notés "triple A" par les grandes agences font faillite.
L'Etat islandais va éviter de s'endetter pour sauver ces mastodontes bancaires.
"L'Islande est un précédent. C'est une ligne très dure qu'elle a adoptée, et elle était totalement isolée, contrairement à Chypre", se souvient Nicolas Véron, du cercle de recherche bruxellois Bruegel.
Seul le Fonds monétaire international lui viendra en aide. L'ironie de l'histoire veut que comme Chypre en 2013, elle a cru un temps pouvoir décrocher un prêt de la Russie, auquel Moscou avait aussi renoncé.
Quatre ans et demi plus tard, cette crise brutale a laissé de profondes cicatrices dans l'économie et la finance islandaise, qu'il faudra du temps pour guérir.
Le pays a traversé une longue phase de restructuration des dettes privées, que ce soit celles des entreprises ou celles des ménages qui avaient emprunté des francs suisses pour acheter leur logement. Créanciers et débiteurs sont durablement marqués par les excès des années 2000.
Selon le FMI, les banques restent très dépendantes des dépôts "captifs" en Islande. Des contrôles de capitaux mis en place fin 2008 les retiennent là pour longtemps encore. En novembre, le FMI prévoyait qu'ils resteraient en place au moins jusqu'en 2015.
Il serait tentant, pour les épargnants, de sortir de l'argent du pays. Ils ont peu d'occasions de l'y faire fructifier, entre un immobilier déprimé, une Bourse de Reykjavik minuscule et la quasi-disparition des produits financiers complexes.
Cet isolement, qui décourage les étrangers, a contribué à faire chuter la part de l'investissement dans le produit intérieur brut à 14% en 2012, la moitié de ce qu'elle était en 2007.
Après la reprise de 2010-2011, la croissance a déçu, à 1,6% en 2012. Elle s'est tout de même accompagnée d'une diminution rapide du chômage, retombé sous les 5% en février pour la première fois depuis 2008.
"L'investissement est au ralenti (...) Fondamentalement, l'Islande s'est coupée de beaucoup de ses liens avec l'économie et la finance européenne", constate Asgeir Jonsson, professeur de finance à l'Université d'Islande.
Les dirigeants du pays ont conscience de ce problème d'isolement. "L'Histoire montre que l'Islande s'est portée le mieux quand elle a maintenu des liens économiques ouverts avec le reste du monde", a relevé le 21 mars le gouverneur de la banque centrale, Mar Gudmundsson.
L'Islande fait entrer des devises grâce à sa pêche et à un tourisme florissant. En 2012 l'île a accueilli 672.000 visiteurs étrangers, 19% de plus qu'en 2011. C'est deux fois plus que sa population.
"La leçon pour Chypre, c'est qu'il faut prendre des mesures rapides et drastiques pour le secteur bancaire, mais qu'il faut rester dans le système économique de la zone euro. Si d'une manière ou d'une autre ils en sont isolés, leur reprise prendra plus longtemps", estime M. Jonsson.