par Noah Barkin et Andreas Rinke
BERLIN (Reuters) - L'Union chrétienne démocrate (CDU) de la chancelière allemande Angela Merkel et les sociaux-démocrates du SPD se sont engagés vendredi à renforcer la zone euro en étroite collaboration avec la France, indique leur document de négociation dont Reuters a pris connaissance.
Au terme d'une nuit de discussions exploratoires, les conservateurs et les sociaux-démocrates ont établi un document de 28 pages fixant le cadre de futures discussions formelles en vue de la constitution d'un gouvernement de coalition en Allemagne.
Ce document doit être présenté aux dirigeants des deux formations politiques qui ont gouverné ensemble, au sein d'une "grande coalition", entre 2013 et 2017.
Les deux formations indiquent dans cette feuille de route qu'elles souhaitent transformer le Mécanisme européen de stabilité (MES) en un fonds monétaire européen et se prononcent pour des "fonds spécifiques" qui seraient consacrés à la stabilisation économique, la convergence sociale et la réforme structurelle de la zone euro.
Ces fonds, ajoutent-elles, pourraient constituer la base d'un futur "budget d'investissement" de la zone euro.
"En étroite collaboration avec la France, nous voulons renforcer de manière durable et réformer la zone euro, de manière à ce que l'euro résiste mieux aux crises mondiales", lit-on dans le document, en vertu duquel l'Allemagne serait également disposée à augmenter sa contribution au budget de l'Union européenne (UE).
Ces propositions contenues dans un chapitre intitulé "Un nouvel éveil pour l'Europe" apparaissent comme la réponse la plus concrète apportée par Berlin aux idées de réformes avancées par Emmanuel Macron lors de son discours à la Sorbonne en septembre.
Dans cette allocution baptisée "Initiative pour l'Europe", le président français proposait une feuille de route sur une période de dix ans afin de réformer la zone euro tout en assumant une "Europe à plusieurs vitesses".
RÔLE CRUCIAL DU COUPLE FRANCO-ALLEMAND
Emmanuel Macron proposait la création d'un "groupe de la refondation européenne" pour définir d'ici l'été 2018 des propositions, dont il fixait l'horizon à 2024, et dont la campagne des élections européennes de 2019 pourrait s'emparer. [nL8N1M72MP]
"C'est beaucoup mieux que ce que voulait faire la (coalition) Jamaïque. Bonne ouverture pour la coopération DE-FR", a estimé sur son compte Twitter (NYSE:TWTR), Henrik Enderlein, directeur de l'Institut Jacques Delors à Berlin. "Mais sur ces questions, le diable est dans les détails. Et les négociations essentielles sont encore à venir", ajoute-t-il.
La coalition dite "Jamaïque" désignait l'association inédite au niveau national de la CDU/CSU, du FDP et des Verts. Celle-ci n'a jamais vu le jour en raison de divergences entre les trois partenaires après des semaines de discussions.
Le document approuvé par la CDU et le SPD reconnaît que l'Europe doit prendre progressivement son destin en main en raison des changements dans la relation avec les Etats-Unis et des défis posés par une Chine qui se renforce et une Russie plus agressive.
Le texte admet le rôle crucial que la coopération franco-allemande doit jouer dans ce processus, affirmant que le renouveau de l'UE ne pourra s'accomplir que si Berlin et Paris "travaillent ensemble de toutes leurs forces" dans ce but.
Merkel avait fait l'objet de critiques au cours des dernières semaines pour ne pas avoir répondu aux propositions d'Emmanuel Macron.
Elle avait promis lors du Conseil européen du mois de décembre d'oeuvrer à dégager des positions communes sur l'Europe avec le président français d'ici le mois de mars.
Tout va dépendre désormais de sa capacité à constituer une nouvelle "grande coalition" avec les sociaux-démocrates après celles qu'elle a dirigées entre 2005 et 2009 puis entre 2013 à 2017.
(Pierre Sérisier pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)