La partie BTP de la construction du réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche) est quasi terminée avec la pose du dôme mardi sur le bâtiment réacteur, mais les procédures judiciaires se multiplient autour du chantier qui a connu trois accidents du travail mortels et plusieurs couacs techniques.
Le chantier a franchi mardi une étape clé avec la pose du dôme en acier de 300 tonnes sur le bâtiment réacteur par "Big Benny", l'une des plus grandes grues du monde. Ce dôme doit encore être recouvert de béton. Mais le réacteur ne sera pas mis en service avant fin 2016, avec quatre ans de retard sur le calendrier initial.
Parallèlement, en même temps que la pose du dôme, le parquet de Cherbourg a annoncé mardi des poursuites pour "homicide involontaire" contre Bouygues, à la tête du BTP du chantier entamé fin 2007, et ses sous-traitants, Normetal et Tissot. Le procès en correctionnelle doit avoir lieu le 12 novembre à Cherbourg.
Le 24 janvier 2011, un soudeur de 37 ans, avait fait une chute mortelle de 18 mètres. Un grutier qui était sous l'emprise du cannabis est aussi poursuivi. EDF, maître d'oeuvre du chantier d'alors 3.400 personnes et 150 entreprises, ne l'est pas. Cette année-là, en moins de six mois, le chantier -- dont le coût a été revu plusieurs fois à la hausse pour s'établir à 8,5 milliards d'euros -- a connu trois accidents mortels.
Le 11 juin, le numéro deux de Endel à Flamanville, âgé de 32 ans, est décédé après une chute. Et fin juin, un ouvrier d'Areva, 29 ans, est mort dans un accident de la route en rentrant chez lui. Seul le premier accident a fait l'objet d'une enquête pour "homicide involontaire". Mais cinq mois plus tôt, en août 2010, le responsable de la sécurité de Bouygues sur le chantier avait été licencié après avoir fait usage de son droit de retrait.
"Charges sérieuses"
Les Prud'hommes ont jugé en février ce licenciement "sans cause réelle ni sérieuse". Bouygues a fait appel. Interrogé par l'AFP, l'ex-chef de sécurité parle d'un "état sécuritaire du chantier où la notion de danger grave et imminent (était) permanente" et donne de nombreux exemples.
Par ailleurs, selon une source judiciaire, il y a de "fortes" probabilités que Bouygues et deux sous-traitants, soient renvoyés en correctionnelle, vraisemblablement début 2014, pour "travail illégal" sur le chantier. "Les charges sont sérieuses", a indiqué à l'AFP, le 27 juin, après deux ans d'enquête préliminaire, le procureur Eric Bouillard.
Dans cette affaire, où l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait établi qu'en 2010, un accident du travail sur quatre n'avait pas été déclaré, EDF n'est pas non plus inquiété. Deux sous-traitants de Bouygues sont accusés de ne pas avoir payé leurs cotisations sociales: le roumain Elco et le chypriote Atlanco, avec qui Bouygues avait rompu son contrat en 2011.
Environ 700 salariés, essentiellement Roumains et Polonais sont concernés. Les deux sociétés auraient une dette d'au moins 10 millions d'euros de cotisation à l'égard de l'Urssaf, en grande partie liée à l'EPR, selon le parquet.
En outre, les Prud'hommes de Cherbourg doivent rendre le 4 décembre une décision concernant la plainte de 62 salariés polonais de l'EPR, pour des problèmes similaires, dont 16 contre Bouygues, selon leur conseil.
Au delà des coups de semonce sociale, la phase BTP du chantier qui devait servir de vitrine à l'international pour exporter l'EPR, a fait l'objet de plusieurs couacs.
EDF a dû en particulier en 2012, en raison de défauts de soudures, remplacer 45 boîtes métalliques, de plusieurs tonnes chacune, fabriquées par Eiffage et déjà installées. Ces "consoles" sont le support du pont de manutention des combustibles.
Et jeudi, le Réseau sortir du nucléaire a diffusé un enregistrement audio présenté comme celui de Bernard Bigot, président du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), expliquant lors d'un colloque en avril 2013 que "l'acier" de ces supports avait été "acheté à bas prix en Russie" et "pas contrôlé". Interrogé par l'AFP, le CEA n'a ni confirmé ni infirmé.