La finance islamique, qui prohibe l'intérêt assimilé à l'usure, a doublé en volume en quatre ans à 2.000 milliards de dollars, et les perspectives de développement de cette activité soucieuse d'éthique religieuse apparaissent sans limite, estiment des experts.
La finance islamique a profité, pour se développer, de sa souplesse, de son ancrage à l'économie réelle et de l'interdiction de transactions spéculatives.
"En dépit du fait qu'elle soit régie par de stricts principes religieux, cette activité reste très souple et moins risquée. C'est ce qui l'a aidée à se développer rapidement et à répondre à différentes demandes", explique à l'AFP l'économiste koweïtien Hajjaj Bukhdur.
Ahmad Salim, un employé, a renoncé à un prêt de 35.000 dollars deux jours seulement après l'avoir contracté auprès d'une banque conventionnelle du Koweït. "Un religieux m'a expliqué qu'il était interdit de contracter un prêt auprès d'une banque non islamique parce qu'il est assorti d'intérêts", explique-t-il.
Quelques jours plus tard, ce client a obtenu un prêt auprès d'une banque islamique sans intérêt mais avec des charges de 700 dollars.
Comme lui, 40 millions de personnes dans le monde, qui compte 1,6 milliard de musulmans, sont clients de banques islamiques, une activité passée d'un statut confidentiel dans les années 1970 à celui de géant du secteur bancaire.
Le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et d'autres organismes financiers internationaux estiment que les avoirs des banques islamiques ont été multipliés par neuf à 1.800 milliards de dollars entre 2003 et 2013, soit une progression de 16% par an. Ils dépasseraient actuellement les 2.000 milliards.
Environ 80% de ces avoirs sont détenus par les banques, 15% sous forme de "sukuk" (bons islamiques), 4% placés dans des fonds d'investissement et 1% dans le système d'assurance islamique "takaful".
L'Iran détient environ 40% des avoirs des banques islamiques, l'Arabie saoudite 12% et la Malaisie 10%.
- Doubler de volume -
Ce secteur formé de centaines d'institutions opérant dans plus de 70 pays, va encore doubler de volume à 4.000 milliards de dollars en 2020, selon des experts.
La crédibilité de la finance islamique a été renforcée pendant la dernière crise économique à laquelle elle a mieux résisté que les banques conventionnelles, même si certains spécialistes ont un avis opposé.
"Les banques islamiques ont su éviter les pires conséquences de la crise financière de 2008 parce qu'elles n'étaient pas exposées aux 'subprimes' et aux créances toxiques et qu'elles ont maintenu un lien fort avec l'économie réelle", souligne Mahmoud Mohieldin, directeur général de la Banque mondiale, dans une récente étude.
"Avec de grandes réserves de fonds propres et de liquidités, les banques islamiques sont mieux outillées pour résister aux chocs du marché", estime de son côté le FMI.
Mais le secteur, basé sur le partage des profits et des pertes, a lourdement souffert de l'effondrement de l'immobilier et d'autre secteurs économiques dans le Golfe pendant la deuxième phase de la crise.
"Certaines institutions islamiques ont même été forcées de quitter ces marchés", précise à l'AFP l'économiste saoudien Abdulwahab Abu-Dahesh.
Mais la force de la finance islamique provient du fait qu'elle ne "traite pas les produits dérivés et ne s'adonne pas à la spéculation", ajoute cet expert.
- Conforme à la charia -
Pour répondre à une demande sans cesse croissante, la banque islamique a développé de nombreux produits financiers conformes à la charia qui interdit l'usure.
"Murabaha" finance les achats de biens de consommation et "Moucharaka (partenariat) permet l'acquisition d'un actif, les deux parties acceptant de partager les bénéfices ou les pertes.
Les "sukuk", qui permettent de participer au financement de grands projets, connaissent un franc succès.
En juin, la Grande-Bretagne est devenu le premier émetteur de "sukuk" en dehors des pays islamiques avec une émission de 323 millions de dollars qui a été 12 fois sur-souscrite.
La valeur globale des "sukuk" était de 269 milliards de dollars fin 2013 et est appelée à connaître une augmentation en pourcentage à deux chiffres, estime Essa Kazim, gouverneur du Dubai International Financial Centre.