Après des heures de négociation, les syndicats cherchaient toujours vendredi soir la voie d'un accord avec le patronat sur l'assurance-chômage, les concessions extorquées au Medef n'ayant pas suffi à les convaincre de signer un texte jugé encore trop défavorable aux 2,2 millions de chômeurs indemnisés.
"On est encore trop loin" d'un accord, a déclaré la négociatrice de la CFDT, Véronique Descacq à la faveur d'un pause en fin de journée. "Le texte n'est pas signable à ce stade", malgré des "avancées intéressantes".
"Je suis très pessimiste", a dit Eric Aubin, de la CGT, qui s'est plaint que le "patronat ne discute qu'avec les organisations susceptibles de signer", sous-entendu la CFDT, la CFTC et FO.
Le délégué CFE-CGC, Franck Mikula, semblait aussi très réservé sur un éventuel compromis, le projet mis sur la table par le patronat "tapant trop fort sur les hauts revenus".
Les syndicats reprochent toujours au patronat (Medef, CGPME, UPA) de s’arc-bouter sur la réduction des déficits de l'Unédic (4 milliards d'euros fin 2013), au détriment des demandeurs d'emplois et sans demander d'efforts aux entreprises. D'après eux, il réclamerait "jusqu'à un milliard" d'économies sur les droits des chômeurs, alors que le chômage bat des records (3,31 millions de demandeurs d'emploi sans activité fin janvier).
La majorité des syndicats voudraient obtenir une nouvelle taxation des contrats courts, qu'ils considèrent comme les principaux responsables du trou de l'Unedic. Il y a "22 millions de contrats courts sur l'année", a argumenté le représentant de la CFTC, Yves Razzoli, dénonçant "un abus manifeste".
Le gouvernement, qui n'est pas censé participer aux débats, est sorti du bois vendredi, appelant les partenaires sociaux à "prendre leurs responsabilités" pour "arriver à un accord" dans la journée. "Je l'espère et je leur demande de le faire", a lancé le ministre du Travail Michel Sapin.
- les intermittents au Carreau du Temple -
Le patronat avait pourtant lâché un peu de lest vendredi matin pour tenter de rallier des syndicats.
Le Medef a notamment consenti à faire une exception pour les seniors, qui ne seraient concernés qu'au bout de 19 mois par une mesure très polémique: la division par deux du plafond d'indemnisation (7.184 euros brut) des demandeurs d'emploi après un an de chômage. Sans convaincre les syndicats, notamment la CFDT, qui jugent cette mesure inacceptable.
Pour faire des économies, le patronat préconise aussi l'allongement du délai de carence (aujourd'hui plafonné à 75 jours) pendant lequel les salariés qui touchent un gros chèque d'indemnité de départ ne peuvent percevoir d'allocation chômage. Sous la pression des syndicats, il a toutefois accepté de mettre une limite supérieure à ce délai, fixant la barre à 200 jours.
Il a fait également un geste sur les "droits rechargeables", en proposant une formule de calcul plus favorable aux demandeurs d'emplois. Ce nouveau système doit permettre aux chômeurs de conserver l'ensemble de leurs droits à indemnisation, en cas de reprise d'emploi.
En revanche, il entend repousser de 50 à 52 ans l'âge à partir duquel les demandeurs d'emploi peuvent bénéficier de conditions d'indemnisation plus favorables. Les plus de 65 ans, jusqu'ici exonérés de cotisations, sont aussi appelés à mettre au pot.
La simplification du système d'"activité réduite", qui permet à plus d'un million de chômeurs de cumuler petits boulots et allocations, reste également à l'ordre du jour. Jugé trop complexe, ce système génère aujourd'hui beaucoup de "trop perçus" que les chômeurs doivent ensuite rembourser.
Sur le dossier des intermittents (112.000 indemnisés par l'assurance chômage), les employeurs avaient fait une concession dès jeudi, en abandonnant l'idée de supprimer leur régime spécifique. Mais ils réclament en échange un plafonnement immédiat de l'allocation à 3.129 euros brut mensuels maximum, une hausse des cotisations des intermittents et de leurs employeurs et l'ouverture de discussions avec l'Etat en vue d'une réforme de plus grande ampleur.
Les intermittents sont restés mobilisés vendredi, occupant le Carreau du Temple à Paris, après l'Opéra Garnier.