Les privatisations des aéroports de Madrid et Barcelone ont été repoussées jeudi au-delà des élections législatives du 20 novembre, un nouveau coup dur pour le gouvernement socialiste, qui a déjà dû renoncer à l'entrée en Bourse de la loterie nationale.
Ces deux opérations auraient dû apporter plus de 12 milliards d'euros, bienvenus pour alléger la dette publique - 65,2% du PIB - d'un pays constamment sous l'oeil inquiet des marchés.
En rajoutant la privatisation de 49% de l'organisme de gestion aéroportuaire Aena, pour lequel aucun calendrier n'a finalement été annoncé, le pays aurait vu ses besoins de financement, pour 2011, réduits de manière considérable.
Ils seraient passés de 45 milliards d'euros à 30-31 milliards, avait assuré en décembre 2010 la ministre de l'Economie Elena Salgado.
"Cela veut dire, moins de pression pour recourir au marché" obligataire, commente Miguel Maté, directeur général de la maison de courtage Tressis.
L'intention du gouvernement était de boucler ces trois processus avant les élections, qui devraient, selon les sondages, voir le retour au pouvoir de l'opposition de droite du Parti populaire (PP).
Ce dernier a très vite fait connaître son rejet du projet, l'accusant de "remplir les caisses à n'importe quel prix" en bradant le patrimoine public.
"Ces privatisations doivent cesser", avait assuré le coordinateur économique du PP Cristobal Montoro, promettant que le parti stopperait les privatisations en cours et en "rééxaminerait" les conditions s'il est élu.
Première victoire, il y a deux semaines: le gouvernement a reporté sine die l'introduction en Bourse de la loterie nationale, initialement prévue le 19 octobre et qui devait rapporter environ 7 milliards d'euros.
Son argument principal était que "les conditions adéquates (n'étaient) pas remplies" pour l'opération, dans un contexte tendu sur les marchés.
Mais il a aussi semblé céder face au PP qui, selon plusieurs analystes, aurait menacé de changer la législation sur la loterie, semant le doute parmi les investisseurs, qui ont pu craindre que son monopole prenne fin.
Cette fois, c'est la privatisation de 90,05% des aéroports de Madrid et Barcelone, qui devait être bouclée fin novembre et promettait au moins 5,3 milliards d'euros pour les arcanes publiques, qui a été reportée de trois mois.
Comme pour la loterie, le gouvernement s'est soigneusement gardé de parler d'annulation, mais de la nouvelle date programmée, fin février, c'est sans doute un autre exécutif qui sera en place et devra décider.
Le PP s'est empressé de réagir: pour un de ses porte-parole, Andrés Ayala, l'annonce du gouvernement équivaut à "jeter l'éponge" sur un projet qui était "d'une totale absurdité".
Mais la privatisation "peut être opportune" si elle se fait "dans les circonstances adéquates", a-t-il admis.
"Mon opinion, c'est qu'ils ne peuvent pas arrêter" le processus, estime Miguel Maté.
Certes, le report annoncé "n'est pas la nouvelle du jour pour les marchés, mais cela reste, indubitablement, un moindre revenu pour l'Etat espagnol", ce qui pourrait menacer ses objectifs budgétaires, et cette fois inquiéter les marchés.
Ces derniers sont d'ailleurs présentés à nouveau comme la raison principale du report: le ministère de l'Equipement et Aena expliquent que les sept consortiums en lice, qui avaient jusqu'au 31 octobre pour présenter une offre technique et économique, ont eu "des difficultés pour réunir le financement nécessaire à la date établie".
"Les consortiums ont réitéré leur intérêt pour participer à l'appel d'offres, mais allèguent que, compte tenu des tensions croissantes au sein du système financier international, ils ont besoin de plus de temps pour réunir les moyens nécessaires", précise Aena.
Parmi les candidats se trouvent l'Espagnol Ferrovial, le Français Aéroports de Paris (ADP) et l'Allemand Fraport.