La poussée des partis extrémistes en Grèce ravive les interrogations concernant l'avenir du pays dans la zone euro et pose la question du bien-fondé des programmes d'austérité imposés par l'Europe aux pays que la crise de la dette a plongés dans la tourmente.
Les électeurs grecs ont massivement rejeté dimanche la politique d'austérité exigée par l'UE et le FMI en échange de l'aide versée au pays, et la formation d'un gouvernement de coalition semble impossible sans y faire entrer un des cinq partis opposés à la rigueur.
Quant au leader de la droite gouvernementale, Antonis Samaras, dont le parti pro-rigueur est arrivé en tête des législatives, il s'est engagé à "changer la politique du mémorandum" d'austérité jusqu'"au retour de la croissance et l'apaisement de la société".
L'euro et les marché boursiers ont accusé le choc de ce résultat lundi, affichant de nettes baisses à l'ouverture.
Bruxelles et l'Allemagne ont aussitôt appelé Athènes à continuer à mettre en oeuvre les réformes promises. C'est "d'une importance essentielle", a averti la chancelière Angela Merkel.
La Commission européenne a dit de son côté attendre du gouvernement grec qu'il "respecte les engagements pris". Mettre en oeuvre le programme de réformes "est essentiel pour la soutenabilité de la dette grecque", a insisté un de ses porte-parole, Amadeu Altafaj.
Il n'en a pas moins lancé une mise en garde à Athènes: "nous pensons que la Grèce doit rester un membre de la zone euro, mais chacun doit prendre ses responsabilités".
Pour Paolo Pizzoli, analyste de la banque ING, "les Grecs vont devoir clarifier comment ils entendent faire coexister leur engagement pro-européen (75% disent y être favorables) avec une position radicalement anti-austérité". Et les discussions pour former un gouvernement vont "sans doute raviver le débat sur toutes les options possibles, y compris le choix de rester ou non dans l'euro", dit-il.
Au-delà de l'avenir de la Grèce dans l'euro, le résultat des législatives de dimanche relance le débat sur l'opportunité du "tout austérité".
"Que font apparaître les votes grec et aussi français dans une certaine mesure? C'est qu'il est extrêmement difficile et nécessaire de trouver l'équilibre entre la crédibilité pour les marchés et la soutenabilité pour les peuples" en matière d'économies budgétaires et de réformes, a estimé lundi le commissaire européen au Marché intérieur, Michel Barnier.
"On voit bien qu'en Grèce on est à la limite de la soutenabilité pour le peuple", a-t-il ajouté, en laissant la porte ouverte à un assouplissement. Il a rappelé que les accords signés avec la Grèce dans le cadre de son plan de sauvetage par l'UE et le FMI comportent "des mécanismes d'évaluation, d'adaptation, d'ajustement".
"Le peuple grec a subi, depuis des mois, un tel sacrifice qu'il y a un sentiment de révolte parmi la population, qui s'est exprimé lors de ce scrutin fort inquiétant à bien des égards", a analysé de son côté le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé.
"Pendant deux ans, les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont été obnubilés par la nécessité de donner des gages aux marchés financiers. Il n'a été question que d'austérité", analyse un fonctionnaire européen sous couvert d'anonymat. "On espère désormais que la situation va se rééquilibrer".
Une analyse partagée par le président du Parlement européen, le socialiste allemand Martin Schulz, pour qui "la situation en Grèce et dans d'autres pays témoigne du besoin pour l'UE d'adopter un large ensemble de mesures pour stimuler la croissance économique et créer des emplois".
A cet égard, le journal grec Naftemboriki voulait voir lundi dans l'élection François Hollande en france la promesse d'un "renversement de la politique européenne", permettant de "remettre en cause les recettes d'austérité prônées par la chancelière allemande Angela Merkel".