Le gouvernement britannique présentera vendredi aux députés pour la troisième fois son accord de Brexit négocié avec Bruxelles, après avoir obtenu jeudi le feu vert du président de la Chambre des Communes pour l'organisation de ce vote.
"La motion est nouvelle, substantiellement différente, et en conformité avec les conditions posées", a déclaré le speaker John Bercow.
Il avait rejeté la tenue du vote la semaine dernière au motif que les députés ne pouvaient réexaminer un texte déjà rejeté au cours de la même session parlementaire.
Pour contourner l'obstacle, le gouvernement a décidé de ne présenter vendredi au vote qu'une partie de l'accord, le Traité de retrait, et d'en exclure la Déclaration politique sur la future relation avec l'Union européenne (UE).
La manoeuvre a été condamnée par l'opposition. "Nous quitterions l'UE mais sans avoir la moindre idée d'où nous irions", s'est insurgé Keir Starmer, le porte-parole du Labour pour le Brexit. "Ce n'est pas acceptable et le Parti travailliste s'y opposera".
L'adoption du texte au parlement offrirait à Londres un report de la date du Brexit au 22 mai, soit à la veille des élections européennes.
"Nous sommes tous d'accord que nous ne souhaitons pas être dans la situation de devoir demander un nouveau report et de faire face à l'obligation de participer à l'élection du Parlement européen", a déclaré à la Chambre des communes la ministre des Relations avec le Parlement, Andrea Leadsom, encourageant les députés à soutenir un texte qu'ils ont déjà rejeté à deux reprises, le 15 janvier et le 12 mars.
- Sacrifice vain ? -
Jouant sa dernière carte, Theresa May a mis mercredi soir sa démission dans la balance pour convaincre les députés d'adopter l'accord. Certains élus conservateurs conditionnaient leur soutien au texte à son départ.
"Son sacrifice sera-t-il vain?" se demandait jeudi le Daily Mail.
L'ex-ministre des Affaires étrangères Boris Johnson, rival de Theresa May et fervent défenseur d'un Brexit sans accord, a annoncé qu'il se rangeait désormais derrière le texte. Et selon un décompte du Sun, le nombre de "rebelles" conservateurs serait redescendu à 16.
Mais pour que la troisième tentative soit la bonne, Mme May a besoin du soutien du DUP, dont dépend sa faible majorité au Parlement. Tous les yeux sont donc rivés sur le parti nord-irlandais qui a répété mercredi soir qu'il ne fallait pas compter sur lui.
Ses dix députés rejettent toujours le "filet de sécurité", estimant qu'il "fait peser une menace inacceptable sur l'intégrité du Royaume-Uni".
Ce dispositif de dernier recours a été élaboré pour éviter le retour d'une frontière physique entre la province britannique d'Irlande du Nord et sa voisine la République d'Irlande. Il maintiendrait le Royaume-Uni dans une union douanière avec l'Union européenne, avec un alignement plus poussé sur les normes de l'UE pour Belfast.
- "Non. Non. Non..." -
A la Chambre des communes, l'initiative parlementaire visant à dégager une solution alternative à l'accord négocié par le gouvernement avec Bruxelles a tourné court mercredi soir.
Les députés ont voté contre les huit options qu'ils avaient eux-mêmes proposées, allant d'un divorce sans accord à une révocation de l'article 50 du Traité de Lisbonne qui régit la sortie d'un pays membre de l'UE.
"Le Parlement a finalement eu son mot à dire: Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non.", a ironisé le quotidien The Guardian.
Sans obtenir de majorité, deux scénarios se sont toutefois distingués: un nouveau référendum sur l'accord qui sera conclu avec l'UE et rester dans l'union douanière, ce que l'accord de Mme May exclut.
Une nouvelle série de votes indicatifs doit être organisée lundi sur les options préférées des députés, mais elle est conditionnée au résultat du vote sur l'accord vendredi.
Le monde économique n'a pas mâché ses mots après le spectacle "frustrant" offert par les élus britanniques.
"Vous avez laissé tomber les entreprises britanniques", a accusé le directeur général des Chambres de commerce britanniques, Adam Marshall. Avant de les enjoindre "d'arrêter de se bercer d'illusions".
Alors que le Brexit était censé avoir lieu vendredi à 23H00 GMT, les dirigeants européens ont accordé un délai à Londres, avec deux options : soit l'accord de retrait est adopté cette semaine et la date du retrait britannique sera repoussée jusqu'au 22 mai; soit l'accord est rejeté, et Londres aura jusqu'au 12 avril pour présenter une alternative et demander un nouveau report. Sinon, ce sera une sortie brutale, sans accord.