Le gouvernement britannique a annoncé jeudi qu'il présenterait une troisième fois vendredi son accord de Brexit aux députés, au lendemain d'une nouvelle journée dramatique qui a vu Theresa May offrir sa démission et montré un parlement inapte à s'entendre sur une autre voie à suivre.
"Une motion sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne sera présentée vendredi", a annoncé la ministre des Relations avec le Parlement Andrea Leadsom aux députés, qui ont rejeté ce texte par deux fois déjà, en janvier et mi-mars.
Reste à savoir si le président de la Chambre des communes, le speaker John Bercow, va accepter la tenue d'un troisième vote après l'avoir rejeté la semaine dernière au motif que la parlement ne peut pas réexaminer un texte inchangé au cours de la même session parlementaire.
"Nous reconnaissons que toute motion présentée demain (vendredi) devra être conforme aux décisions du speaker et que la discussion se poursuit", a dit Mme Leadsom.
Theresa May avait jusqu'à la fin de la journée pour faire savoir si elle comptait présenter son accord une troisième fois vendredi, et elle avait signifié qu'elle ne le ferait que s'il avait une chance d'être adopté. Jeudi, elle a mis sa démission dans la balance pour convaincre les députés, notamment ceux de son Parti conservateur.
Ces derniers ont montré leur incapacité jeudi à dégager une solution alternative, ce qui pourrait jouer en faveur du texte de Mme May.
- Les yeux rivés sur le DUP -
En sacrifiant sa carrière politique sur l'autel du Brexit, Mme May a cédé aux appels de nombreux élus de son parti qui conditionnaient leur soutien au texte à sa démission.
"Son sacrifice sera-t-il vain?" se demandait jeudi le Daily Mail.
L'ex-ministre des Affaires étrangères Boris Johnson, son rival et fervent défenseur d'un Brexit sans accord, a annoncé qu'il se rangeait désormais derrière son traité. Et selon un éditorialiste du Sun, quotidien le plus lu du pays, les "rebelles" conservateurs se réduiraient désormais au nombre de 16.
Après un premier rejet massif en janvier, il a manqué 75 voix en mars à Mme May pour que son accord passe.
Pour que la troisième fois soit la bonne, elle a besoin du soutien du DUP, dont dépend sa faible majorité au Parlement. Tous les yeux sont donc rivés sur le parti nord-irlandais qui a répété mercredi soir qu'il ne fallait pas compter sur lui.
Ses dix députés bloquent sur le "filet de sécurité", prévu dans l'accord conclu en novembre avec les dirigeants européens. Ce dispositif de dernier recours est censé éviter le retour d'une frontière physique entre la province britannique d'Irlande du Nord et sa voisine la République d'Irlande. Il maintiendrait le Royaume-Uni dans une union douanière avec l'Union européenne avec un alignement plus poussé sur les normes de l'UE pour Belfast.
Mais pour le DUP, cela "fait peser une menace inacceptable sur l'intégrité du Royaume-Uni".
- "Non. Non. Non..." -
Alors que le Brexit était censé avoir lieu vendredi à 23H00 GMT, avant que Mme May n'obtienne un sursis de l'UE, les députés ont voté contre huit options qu'ils avaient eux-mêmes proposées, allant d'un divorce sans accord à une révocation de l'article 50 du Traité de Lisbonne qui régit la sortie d'un pays membre de l'UE.
"Le Parlement a finalement eu son mot à dire: Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non.", a ironisé le quotidien The Guardian.
Deux scénarios se sont toutefois distingués lors de cette soirée survoltée: un nouveau référendum sur l'accord qui sera conclu avec l'UE et rester dans l'union douanière, ce que l'accord de Mme May exclut.
Une série de votes indicatifs doit être organisée lundi sur les options préférées des députés, mais tout dépendra désormais de ce qui se passera vendredi.
Le monde économique n'a quant à lui pas mâché ses mots après le spectacle "frustrant" offert par les élus britanniques.
"Vous avez laissé tomber les entreprises britanniques", a accusé le directeur général des Chambres de commerce britanniques, Adam Marshall. Avant de les enjoindre "d'arrêter de se bercer d'illusions".
"L'incertitude a déjà paralysé l'investissement, coûté des emplois et porté atteinte à notre réputation mondiale", a de son côté dénoncé Mike Hawes, le directeur général de l'Association des constructeurs et des vendeurs automobiles (SMMT).
Les dirigeants européens ont eux donné le choix à Mme May: soit son accord est adopté cette semaine et la date du retrait britannique sera repoussée jusqu'au 22 mai; soit l'accord est rejeté, et Londres aura jusqu'au 12 avril pour présenter une alternative et demander un nouveau report. Sinon, ce sera une sortie brutale, sans accord.