Au lendemain de la présentation du budget 2015, le gouvernement tout comme François Hollande ont défendu jeudi la "sincérité" de leur prévision de croissance de 1% l'an prochain.
Cette hypothèse de franche reprise après une croissance prévue à seulement 0,4% cette année, est "réaliste", a assuré le président, lors d'une déclaration à l'Elysée.
"J'ai cette prétention de présenter des comptes sincères", a déclaré pour sa part le ministre des Finances Michel Sapin, sur une radio.
L'Insee, sans livrer encore de prévision pour 2015, a dressé jeudi un tableau peu engageant de l'économie française, en ramenant sa prévision de croissance 2014 à 0,4%, le même niveau que le gouvernement, et en annonçant un rythme de seulement 0,1% au troisième comme au quatrième trimestre.
L'institut de statistiques a toutefois donné une indication technique pour l'année à venir, indiquant que la France ne disposerait pour 2015 que d'un "acquis", c'est-à-dire une réserve de croissance initiale, de 0,1%, un niveau très bas.
L'enjeu de la prévision gouvernementale est aussi juridique: la sincérité dans l'établissement du budget, l'un des cinq principes budgétaires fondamentaux avec l'annualité, l'unité, l'universalité et la spécialité, est vérifiée par le Conseil constitutionnel.
Le projet de loi de finances pour 2015 part de cette prévision de croissance de 1%, avec ce qu'elle implique pour les rentrées fiscales ainsi que les dépenses sociales, pour annoncer un déficit public en légère baisse. Il devrait être à 4,3% du Produit intérieur brut après 4,4% cette année, loin des engagements pris devant la Commission européenne.
Pour le Haut conseil des Finances publiques, organe indépendant chargé d'évaluer la crédibilité des prévisions budgétaires, "la prévision de croissance de 1% paraît optimiste. Elle suppose en effet un redémarrage rapide et durable de l'activité que n'annoncent pas les derniers indicateurs conjoncturels".
- Investissement en berne -
Le Haut conseil reproche aussi à Paris de manquer de prudence sur l'investissement, en berne dans le pays, et sur la conjoncture internationale.
M. Sapin a lui mis en doute la fiabilité des avis de ce même Conseil, qui juge aujourd'hui une croissance de 1% trop optimiste pour 2015, mais qui pensait encore l'été dernier qu'un tel rythme était tout à fait crédible dès 2014. Pourtant la croissance cette année ne devrait pas dépasser 0,4%.
Paris a déjà revu sa copie à la baisse puisqu'avant l'été la croissance 2015 était encore annoncée à 1,7%.
Le ministère des Finances fait aussi valoir que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit une croissance française de 1% l'an prochain.
Mais certains économistes, estimant que la France redémarre moins que prévu après un premier semestre 2014 de stagnation, sont plus pessimistes.
L'institut de recherches Coe-Rexecode a publié récemment une hypothèse de croissance de 0,8%, dressant le portrait d'une France qui "décroche".
Reste à savoir si l'hypothèse de la France sera en harmonie avec celle de la Commission européenne, qui doit rafraîchir début novembre ses prévisions économiques pour la zone euro.
Pour justifier les déficits publics plus importants que prévu, le gouvernement français fait valoir à Bruxelles que la conjoncture économique a été moins bonne que prévu. L'argument pourrait perdre de sa force si Paris est accusé de partir délibérément d'hypothèses trop hautes.
Philippe Waechter, directeur des études économiques de Natixis AM, qui table sur 0,8% de croissance l'an prochain, juge que l'exécutif "reprend en 2015 la stratégie qui n'a pas marché en 2014, à savoir mettre en place certaines réformes et attendre que l'économie globale aille mieux, que la politique monétaire tire vers le haut".
M. Hollande a d'ailleurs mentionné jeudi le rôle bénéfique joué par la Banque centrale européenne ainsi que la détente de l'euro, et ajouté: "sachant que l'économie américaine est en reprise, que les pays émergents restent à un niveau de croissance élevée (...) faire 1% de croissance me paraît réaliste".
"C'est ce que, d'ailleurs, la plupart des économistes ont prévu mais la plupart des économistes s'étaient déjà trompés l'année dernière, s'étaient trompés il y a deux ans, s'étaient trompés il y a trois ans. Je ne vous dis pas ce qu'ils avaient imaginé il y a quatre ans ou cinq ans, donc nous restons confiants", a-t-il dit.