"Arrogant", "suffisant", "accent français", "moins sexy que Sarkozy": Fabrice Tourre, le cadre de la banque Goldman Sachs accusé de fraude, est devenu un objet de répulsion aux Etats-Unis, où sa défense devant le Sénat n'a pas convaincu.
Le jeune Français a été accueilli mardi au Capitole aux cris de "c'est une honte" par des manifestants déguisés en bagnards qui portaient des pancartes à son nom.
"My name is Fabrice Tourre", a déclaré au début de son intervention le banquier interrogé comme d'autres dirigeants de Goldman Sachs par des parlementaires très remontés contre une institution devenue le symbole des dérives de Wall Street et de la crise de l'automne 2008.
Mi-avril, la SEC, le gendarme de la Bourse américaine, a annoncé qu'elle portait plainte contre la banque et Fabrice Tourre, 31 ans. Elle leur reproche d'avoir trompé des investisseurs en leur faisant faire des placements sur des titres immobiliers risqués dont ils savaient qu'ils allaient baisser et sans les informer qu'eux-mêmes pariaient sur la baisse de ces produits.
A l'époque des faits, en 2007, Fabrice Tourre était vice-président d'une unité de produits structurés du prestigieux établissement new-yorkais. Il travaille aujourd'hui à Londres.
Pendant ses cinq heures d'audition, il a rejeté en bloc les accusations portées contre lui.
"Je nie catégoriquement les allégations de la SEC. Et je me défendrai devant la justice contre ces fausses accusations", a déclaré le jeune homme brun aux allures d'enfant de choeur avec ses cheveux coupés court, portant costume sombre et cravate club.
Mais les médias américains de mercredi ne paraissaient pas beaucoup plus convaincus que les sénateurs et regrettaient que les dirigeants de Goldman Sachs n'aient pas cru devoir présenter des excuses. Et "Fab le Fabuleux", comme il s'appelait lui-même dans des courriels publiés par la banque, concentre les critiques.
"Fab le Fabuleux a manqué de s'excuser mais pas d'être arrogant", tonne le Washington Post, brocardant un "pauvre millionnaire incompris" dont il moque l'accent français.
Le Français n'est pas aidé par la publication de ces courriers électroniques dans lesquels il apparaît comme un banquier cynique, prêt à quitter le navire en train de sombrer.
En mars 2007, juste avant le début de la crise du crédit immobilier américain, il semble ainsi ironiser sur "les pauvres petits emprunteurs peu solvables" qui ne "vont pas faire de vieux os". "Tout ceci me donne des idées sur mon futur à moyen terme, dans la mesure ou je n'ai pas l'intention d'attendre l'explosion totale du secteur", ajoute-t-il.
Quelques mois plus tard, il prétend qu'il vient de vendre quelques-uns des titres incriminés par la SEC "à des veuves et orphelins que j'ai croisés dans l'aéroport".
Lors de l'audition, Fabrice Tourre a tenté de susciter la sympathie sur son statut de nouvelle bête noire des médias.
"Les dernières semaines ont été difficiles pour moi et ma famille car j'ai été la cible d'attaques infondées quant à ma personnalité et mes motivations", a-t-il plaidé.
Mais pour le tabloïde Daily News, le banquier "a fait l'effet d'un pleurnichard apeuré".
La presse populaire n'a pas manqué de relever que, dans le lot des courriels, figurent des messages énamourés adressés par M. Tourre à des correspondantes. Mais le Daily News semblait déçu par l'absence de révélations croustillantes.
"Le roi du sexting n'est pas si fabuleux que ça", tranchait le quotidien. "Sarkozy est plus sexy que lui".