par Kate Holton et Promit Mukherjee
LONDRES/BOMBAY (Reuters) - Le groupe sidérurgique indien Tata Steel a annoncé mercredi son intention de vendre la totalité de ses activités au Royaume-Uni, menaçant plusieurs milliers d'emplois dans un secteur fragilisé par la chute des prix, des coûts élevés et la concurrence chinoise.
Au terme d'un long conseil d'administration tenu à Bombay, Tata a expliqué dans un communiqué que les performances financières de sa filiale britannique s'étaient fortement détériorées ces derniers mois et qu'il n'était plus en mesure d'améliorer la situation de sa filiale britannique, qui emploie quelque 15.000 personnes et opère notamment l'aciérie de Port Talbot au Pays de Galles, la plus importante du Royaume-Uni.
De ce fait, Tata dit que sa division européenne va "explorer toutes les options en vue d'une restructuration, y compris celle d'une cession de tout ou partie de Tata Steel UK".
Cette décision pourrait animer la campagne du référendum de juin sur l'avenir du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne. Plusieurs médias traditionnellement hostiles à l'UE ont déjà reproché à Bruxelles d'avoir empêché Londres de prendre des mesures pour protéger sa sidérurgie, même si les partisans du maintien dans l'Union rétorquent que la politique européenne n'a rien à voir avec les difficultés du secteur.
Le gouvernement britannique et les autorités galloises ont assuré mercredi qu'elles étudiaient tous les moyens permettant de protéger l'industrie sidérurgique, qui a déjà supprimé plusieurs milliers de postes l'an dernier.
LONDRES DIT ÉTUDIER "TOUTES LES OPTIONS"
"Nous étudions, nous avons étudié, nous allons continuer d'étudier toute les options, et je dis bien toutes les options", a dit Anna Soubry, la ministre des PME de David Cameron, à la BBC. Elle a précisé ne pas exclure la possibilité d'une nationalisation temporaire des sites de Tata Steel en attendant de trouver un repreneur.
Jeremy Corbyn, le chef de file de l'opposition travailliste, s'est lui déclaré favorable à ce que l'Etat investisse dans la sidérurgie, qu'il a présenté comme "la pierre angulaire de notre secteur industriel".
De leur côté, les syndicats ont salué la décision de Tata Steel de ne pas fermer d'usines tout en exhortant le sidérurgiste indien à être "un vendeur responsable" et le gouvernement à jouer son rôle.
Le site de Port Talbot emploie quelque 4.000 personnes et Tata Steel est l'un des principales entreprises privées présentes au Pays de Galles.
En janvier, Tata Steel avait déjà annoncé 1.050 suppressions d'emplois dans le pays, en plus des 1.170 décidées l'an dernier face à la chute des prix de l'acier.
Le groupe indien avait racheté Corus, alors un sidérurgiste anglo-néerlandais, en 2007 mais il n'a jamais réussi à redresser l'entreprise.
La plupart des sidérurgistes, y compris le numéro un mondial ArcelorMittal (AS:ISPA), sont aujourd'hui mis à rude épreuve par la chute des cours de l'acier, qui s'explique essentiellement par une situation de surcapacités de production en Chine, premier consommateur du métal.
Une telle configuration ne rend pas aisée la quête d'un repreneur.
L'UE VEUT LIMITER LES IMPORTATIONS D'ACIER CHINOIS
"Tata Steel ne trouvera peut-être pas un acheteur dans l'immédiat pour ses activités britanniques mais il pourrait y parvenir d'ici six mois si, comme anticipé, l'Europe prend des mesures pour endiguer le flux d'importations bon marché qui inondent la région", a estimé Ashish Kejriwal, analyste chez Elara Capital.
La Commission européenne a présenté il y a deux semaines un plan de soutien à la filière acier qui vise notamment à limiter les importations en provenance de Chine via un durcissement de la politique antidumping et d'autres mesures de rétorsion.
Tata Steel est le deuxième producteur d'acier en Europe avec une présence dans nombre de pays. Le groupe indien a ramené sa capacité de production dans la région à un peu plus de 18 millions de tonnes par an. Sur ce total, les capacités de seulement 14 millions sont opérationnelles.
Deux de ses trois principaux sites européens, Port Talbot et Scunthorpe, sont en Grande-Bretagne et le troisième aux Pays-Bas, à Ijmuiden.
Sur les cinq dernières années - période au cours de laquelle Tata Steel a passé dans ses comptes quelques 2,9 milliards de dollars (2,55 milliards d'euros) de dépréciations d'actifs liées à sa filiale britannique - le cours de l'action du groupe a été divisé par deux.
A la Bourse de Bombay, l'action Tata Steel a fini la journée en hausse de 6,47%. Sur les marchés européens, l'annonce de son désengagement profitait aux valeurs sidérurgiques en relançant les spéculations sur la consolidation du secteur. Vers 10h00 GMT, l'allemand ThyssenKrupp (DE:TKAG) gagnait ainsi 6,6%, la meilleure performance de l'indice allemand Dax (+1,66%) et à Paris, ArcelorMittal prenait 3,36%.
(Benoît Van Overstraeten et Marc Angrand pour le service français, édité par Véronique Tison)