La Liga craint de devenir une compétition de seconde zone: plusieurs clubs réclament une réforme du mode de négociation des droits télévisés en Espagne pour éviter que le Championnat d'Angleterre, riche d'un récent contrat record, n'attire leurs meilleurs talents.
La centralisation ou la mort? C'est la question du moment dans le football espagnol, où la Ligue (LFP) et certains clubs brandissent la menace d'une grève si le gouvernement n'adopte pas rapidement un décret qui oblige les clubs à vendre leurs droits de manière collective à partir de 2016-2017.
Car contrairement aux autres grands championnats européens, chaque club de Liga est libre de négocier individuellement. Ce qui assure la part du lion au Real Madrid et au FC Barcelone, c'est-à-dire environ la moitié des revenus à eux deux (140 M EUR chacun).
Mais ce système très inégalitaire, en place depuis une vingtaine d'années, est de plus en plus critiqué en Espagne, où certains clubs estiment que les droits TV seraient mieux valorisés en commun. Selon l'Espanyol Barcelone, les 800 M EUR de revenus actuels de la Liga pourraient grossir d'au moins 300 à 400 M EUR en cas de vente centralisée.
"On est à la croisée des chemins", prévient José Maria Gay de Liebana, économiste de l'Université de Barcelone et spécialiste du sport. "Le football espagnol risque d'aller en s'étiolant parce qu'il n'y aura pas cette compétitivité, cet argent. Notre championnat ne sera plus de premier niveau."
- Exode redouté -
Dans le rôle de l'épouvantail, il y a la Premier League, qui vient de signer un contrat astronomique (6,9 milliards d'euros pour la période 2016-2019) et pourrait bientôt dépouiller les clubs espagnols les plus modestes de leurs meilleurs joueurs.
Difficile de rivaliser: un club de milieu de tableau comme l'Espanyol dit attendre environ 24 M EUR de droits TV par saison, alors que le dernier du classement en Angleterre devrait toucher à l'avenir plus de 100 M EUR par an.
"On pourrait se retrouver dans la situation où tous les bons joueurs vont partir pour jouer en Premier League", a expliqué à l'AFP Joan Collet, président de l'Espanyol.
Un tel exode a déjà pris forme ces dernières années, à l'image du départ de David Silva vers Manchester City ou de Diego Costa à Chelsea, même si l'Espagne reste encore très compétitive en Europe: le Real Madrid a remporté la dernière Ligue des champions et Séville l'Europa League.
Mais vu les difficultés financières actuelles des clubs espagnols, très endettés, Real et Barça pourraient à terme être les seuls à rivaliser en Europe. Et la baisse de niveau en Espagne risque de leur nuire en faisant fuir des cadors comme Lionel Messi ou Cristiano Ronaldo.
"S'ils voient que ce championnat n'est plus compétitif, ils voudront s'en aller", prophétise José Maria Gay de Liebana.
Même le Barça, pourtant privilégié, reconnaît un risque: "Le FC Barcelone est conscient que cette différence (de revenus entre clubs en Liga, NDLR) n'est pas tenable", a dit à l'AFP Manel Arroyo, vice-président du club blaugrana. "Il est nécessaire d'avancer vers une loi gouvernementale, comme dans d'autres pays du monde."
- Menace de grève -
Vendredi dernier, la LFP et la fédération espagnole (RFEF) ont demandé conjointement au gouvernement de publier "en urgence" le décret tant attendu, promis à l'automne par le président du Conseil supérieur du sport (CSD), le secrétaire d'Etat Miguel Cardenal.
Mais il n'y a "pour le moment" pas de date fixée pour sa publication, a indiqué à l'AFP une source proche du CSD.
L'une des raisons de cette attente, selon le quotidien El Pais, pourrait être l'envoi au CSD d'une lettre de la Fifa évoquant une éventuelle suspension des compétitions en cas d'ingérence du gouvernement dans le football. Ce n'était néanmoins pas une lettre "agressive", a-t-on précisé de source proche du CSD.
Si le statu quo subsiste, les perturbations pourraient venir des clubs eux-mêmes: le président de la LFP, Javier Tebas, a laissé planer la menace d'une grève.
Une assemblée générale des clubs est programmée le 25 mars. Reste la possibilité d'une solution intermédiaire comme le souhaite Valence, qui évoque un accord "interne" entre clubs sans passer par une loi.
Mais si cette réforme finit par être adoptée, d'autres défis demeurent pour égaler l'ogre anglais: mieux adapter les horaires souvent tardifs des matches au marché international, notamment asiatique, lutter contre le piratage des rencontres ou encore augmenter le nombre de téléspectateurs abonnés.