par Thomas Escritt
LA HAYE (Reuters) - Correction pour retirer la mention "premier ex-chef d'Etat à comparaître devant la Cour pénale internationale".
L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a plaidé non coupable jeudi des accusations de crimes contre l'humanité à l'ouverture de son procès devant la Cour pénale internationale (CPI).
Il comparait aux côtés de son ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, poursuivi comme lui pour les violences qui ont suivi l'élection présidentielle de 2010.
Arrêté en avril 2011 et transféré sept mois plus tard à La Haye, Laurent Gbagbo reste très influent en Côte d'Ivoire, tout comme son parti, le Front populaire ivoirien (FPI).
Plusieurs centaines de ses partisans s'étaient rassemblés jeudi matin devant le siège de la CPI. Ils affirment que l'ancien président paye aujourd'hui le prix de son opposition à la France.
"Ce n'est pas un jeu. La Cour ne permettra pas que quiconque utilise ce procès à des fins politiques", a averti le juge Cuno Tarfusser, chargé de l'affaire.
L'ex-chef de l'Etat (2000-2010), qui a refusé de céder le pouvoir à l'issue du scrutin remporté par Alassane Ouattara, est accusé d'être à l'origine de la brève guerre civile qui a fait 3.000 morts. Il est soupçonné d'avoir encouragé meurtres, viols et manoeuvres d'intimidation, notamment contre les membres de minorités ethniques et la communauté musulmane, réputées plus favorables à Alassane Ouattara.
L'un des cas cités à charge concerne le viol de 38 femmes lors d'un rassemblement en faveur de l'actuel chef de l'Etat. Un autre porte sur un bombardement qui a fait 20 morts. Selon l'accusation, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont les instigateurs de ces actes et les ont financés.
"C'EST DU NÉOCOLONIALISME !"
"La Côte d'Ivoire a sombré dans le chaos et a été en proie à une violence indicible. Rien ne devait pouvoir ébranler M. Gbagbo. Si la politique échouait, la violence était considérée comme une façon de la poursuivre par d'autres moyens", a déclaré Fatou Bensouda, procureure générale de la CPI.
"Je plaide non coupable", avait auparavant annoncé l'ancien chef de l'Etat, âgé de 70 ans.
Pour ses partisans, c'est donc parce qu'il a résisté à l'ancienne puissance coloniale qu'il se trouve aujourd'hui dans le box des accusés.
"C'est du néocolonialisme !", s'est indignée Michèle, une Ivoirienne venue de Paris pour manifester devant la CPI. "La France est intervenue pour chasser Gbagbo et installer un chef rebelle", ajoute-t-elle.
Alassane Ouattara a pris ses fonctions après l'intervention française qui a mis fin à la guerre civile.
Quatre chefs de crimes contre l'humanité ont été retenus à l'encontre de Laurent Gbagbo, et de Charles Blé Goudé, qui est âgé de 44 ans. Les deux hommes risquent la prison à vie.
Les pro-Gbagbo accusent la CPI de partialité, allégations dont Fatou Bensouda s'est défendue mercredi.
"Mon Bureau ne ménagera pas ses efforts pour que justice soit rendue et que les auteurs de crimes rendent des comptes dans les deux camps", a-t-elle assuré.
(Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)