Le gouvernement français s'est donné jusqu'au mois d'avril pour lever le voile sur la réforme de la fiscalité, le pacte de responsabilité et la baisse des dépenses publiques, jonglant entre une volonté de rupture et un agenda politique capricieux.
L'exécutif avait au départ promis pour fin mars ces réformes censées marquer le tournant "social-démocrate" du quinquennat de François Hollande.
Mais il pourrait voir sa marge de manœuvre réduite si les élections municipales, les 23 et 30 mars, se traduisent par un rejet populaire de la politique menée depuis 2012.
Sans compter que le scrutin pourrait déclencher un remaniement ministériel, notamment à Bercy, qui devra appliquer les réformes.
"Tout est un peu conditionné à la configuration au lendemain du 30 mars", reconnaît une source gouvernementale.
Le gouvernement donne donc le sentiment de marquer le pas au dernier moment, ce que lui reprochent les partenaires sociaux.
"Il faut maintenant passer de l'ordonnance à la thérapie", a protesté mardi le président du Medef, Pierre Gattaz, regrettant de ne pas avoir d'"information" sur les intentions gouvernementales.
"Le gouvernement a annoncé une mesure qui aurait pu être maline s'il l'avait mise en place tout de suite", estime Ludovic Subran, directeur de la recherche économique chez Euler Hermes, regrettant qu'un "sentiment d'urgence" n'ait pas été créé autour de ces réformes.
- Ménager le suspens -
Au-delà des échéances nationales, Paris doit se plier au calendrier européen et livrer en avril à Bruxelles son "programme de stabilité" budgétaire, l'équivalent d'un budget pluri-annuel.
Dans un entretien au Figaro mercredi, le ministre de l'Économie Pierre Moscovici parle d'une copie rendue "à la fin du mois d'avril" après information du Parlement. Ce budget prendra en compte "le pacte de responsabilité" et "les économies prévues", ajoute-t-il.
Sur ces dernières, il évoque "un des plans d'économies les plus ambitieux qui ait jamais été pensé et mis en œuvre sous la Ve république".
"Tout devrait pouvoir être mis en cohérence en même temps", assure Bercy à l'AFP, réfutant toute critique de la méthode de travail privilégiée par le gouvernement, basée sur la concertation discrète.
"La discrétion est une des conditions de la réussite de l’exercice", affirme-t-on, convaincu qu'"au contraire, les chantiers avancent normalement, c'est un gros travail de préparation".
"Nos partenaires se préparent, j'en suis sûr, à tirer le plus rapidement possible les conséquences positives du pacte en matière d'investissement et d'emploi", ironise de son côté M. Moscovici dans le Figaro.
Il en profite pour ménager le suspens, distillant quelques idées retenues ou encore en débat.
Il confirme ainsi le maintien du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), une baisse de cotisation de 6% sur les salaires inférieurs à 2,5 Smic, soit 20 milliards d'euros.
En revanche, "la répartition de l'enveloppe de 10 milliards supplémentaires est encore en débat", précise-t-il. Le Medef voudrait qu'elle couvre "tout le spectre des salaires" mais le gouvernement pourrait être tenté de cibler plutôt les bas salaires, et d'en voir ainsi des effets plus immédiats sur l'emploi.
M. Moscovici évoque également la possibilité de "lisser certains effets de seuils" donnant droit à des "allègements de charges" et promet de ne "pas oublier" les travailleurs indépendants, qui ne profitent pas du CICE.
A propos des économies qui font l'objet de réunions interministérielles régulières et portent tant sur l'Etat que sur la protection sociale et les collectivités territoriales, il explique que "le tri se fait entre ce qui est acté, ce qui est exclu et ce qui est possible", mais que les arbitrages ne sont pas encore finalisés.
Sur la fiscalité des entreprises, M. Moscovici laisse entendre qu'un "geste" sera fait et que le gouvernement "réfléchit au montant". Il répète les pistes déjà évoquées: une fiscalité moins appuyée sur la production qu'aujourd'hui et un taux nominal d'impôt sur les sociétés (environ 33%) plus près de celui des partenaires européens (entre 25 et 30%).
Quant à la fiscalité des ménages qui s'annonce comme le parent pauvre de cet ensemble de réformes, il ne fait aucune promesse.
Rien non plus sur la manière dont seront financées les nouvelles mesures, au-delà de l'effort promis de réduction des dépenses.