Le plus gros conflit commercial de l'histoire, celui qui oppose Boeing et Airbus depuis 7 ans à propos de leurs milliards de subventions respectives, a connu une nouvelle étape mercredi à Genève.
L'OMC (Organisation mondiale du Commerce), le gendarme du commerce mondial où se joue cette bataille rangée entre les deux principaux acteurs de l'industrie aéronautique mondiale, a en effet transmis aux deux parties les conclusions d'un appel concernant les aides américaines à Boeing.
En mars 2011, l'OMC avait jugé certaines de ces aides illégales. L'UE avait fait appel de ce jugement, considéré trop clément, et ce sont ces conclusions qui ont été transmises mercredi, mais de manière "confidentielle" aux deux parties, selon des sources proches du dossier.
Le rapport confidentiel sera rendu public ultérieurement, une fois que les parties intéressées auront déposé leurs remarques respectives.
Dans une première réaction, le porte-parole du Commissaire européen chargé du commerce international, a indiqué que "ce jugement, lorsqu'il sera rendu public, nous donnera une idée claire de la position de chaque partie dans ce conflit sur le transport aérien".
Le porte-parole a encore répété la position européenne, selon laquelle seules des négociations au plus haut niveau politique pourront débloquer la situation.
De son côté, le porte-parole du constructeur Boeing avait déclaré lundi à l'AFP qu'il était "risible" que les Européens veuillent négocier avec les Etats-Unis, alors que l'UE ne s'est pas mise en conformité selon lui, avec une décision de l'OMC lui demandant de démanteler ses aides à Airbus.
Boeing faisait référence à un jugement l'an dernier de l'OMC sur une plainte du constructeur américain contre Airbus, demandant à l'UE de démanteler ses aides à son constructeur. L'UE a présenté en décembre 2011 son plan de démantèlement, mais Washington l'a estimé insuffisant et évoqué des sanctions contre Airbus.
Airbus et son éternel rival Boeing s'affrontent depuis octobre 2004 sur ce dossier des aides et subventions devant l'OMC par le biais de leurs autorités respectives.
Boeing a ouvert les hostilités en portant plainte contre Airbus en 2004. Puis Airbus a porté plainte contre Boeing.
Dans le dossier de la plainte d'Airbus contre Boeing, les juges de l'OMC ont estimé le 31 mars 2011 en première instance que certaines de ces aides américaines à Boeing constituaient des subventions contraires aux règles du commerce mondial.
Les juges les avaient chiffrées à "au moins 5,3 milliards de dollars" pour la période 1989-2006.
Bien qu'estimant avoir remporté une victoire, l'UE avait fait appel de cette décision dès le lendemain, car Airbus estime le préjudice commercial à 45 milliards de dollars.
Dans le dossier de la plainte de Boeing contre Airbus, qui date de 2004, l'OMC avait publié le 18 mai 2011 la décision d'appel, qui reconnaît que certaines aides européennes au lancement de plusieurs modèles d'Airbus avaient causé du tort à son rival Boeing. Mais l'OMC avait rejeté certaines parties d'un premier jugement très sévère rendu en juin 2010.
"Toute cette procédure a été lancée parce que l'Union européenne n'a pas voulu négocier avec les Etats-Unis", a encore rappelé lundi le porte-parole de Boeing, soulignant qu'avant le lancement d'une plainte à l'OMC par les Etats-Unis, "Airbus avait refusé de donner mandat à l'UE pour négocier" avec la partie adverse. "Les Etats-Unis n'avaient d'autre option que de se tourner vers l'Organisation mondiale du commerce", a-t-il insisté.
Boeing accuse notamment l'UE de continuer à subventionner Airbus à hauteur de 18 milliards de dollars, malgré une décision de l'OMC l'an dernier jugeant ces aides illégales.
Pour Boeing, il n'est pas question de négocier avec l'UE et Airbus, et le règlement de ce conflit ne peut se faire que par "le respect des jugements de l'OMC" et des "règles commerciales".