Les commandes astronomiques enregistrées par Boeing et Airbus font parfois écran au succès des constructeurs de moteurs, qui doivent anticiper les besoins des avionneurs.
Parfois même, ce sont ces "motoristes" qui donnent l'impulsion à toute l'industrie aéronautique, selon les experts.
Ils n'ont pas forcément la même notoriété que les avionneurs, mais les américains General Electric et Pratt and Whitney, le britannique Rolls-Royce et le français Safran se taillent une belle part du chiffre d'affaires de l'aéronautique.
Les moteurs représentant en effet en moyenne 25% du coût total d'un avion, selon Richard Aboulafia, du groupe de consultants Teal, basé en Virginie.
Pour répondre à la croissance du trafic aérien, qui double tous les quinze ans, les motoristes travaillent très loin en amont.
Il faut 20 à 25 ans pour développer un nouveau moteur, a expliqué à l'AFP Marc Ventre, directeur général délégué de Safran. Et les motoristes mènent leur propres études de marché sur l'évolution du transport aérien, notamment parce qu'ils doivent anticiper la demande des avionneurs, a-t-il ajouté.
"Le développement d'un moteur d'avion dure généralement plus longtemps que celui d'un programme d'avion lui-même", selon Rick Kennedy, porte-parole de GE Aviation, dont les moteurs GE9X équiperont le futur 777X, lancé dimanche par Boeing au salon de Dubai avec un record de 259 commandes et engagements d'achat.
Pour GE, cela représentait 450 commandes de GE9X. Au total, la journée de dimanche lui a rapporté 26 milliards de dollars au prix catalogue, selon un communiqué.
Boeing promet que la nouvelle version du bimoteur long-courrier 777, son plus gros succès commercial, consommera 20% de carburant en moins en emportant plus de passagers. Elle sera équipée d’ailes en matériaux composites et surtout de moteurs de nouvelle génération.
Le 777, motorisé par GE, est entré en service en 1995. "Quand les ventes ont vraiment décollé sur la période 2005-2010, nous travaillions depuis longtemps à un moteur de nouvelle génération, dit Rick Kennedy. Et si GE n'a pas été candidat pour équiper l'A350 d'Airbus, c'est parce qu'il s'était engagé sur la nouvelle génération de 777", qui va lui faire concurrence.
Devancer les besoins des clients
"Quand un avionneur annonce qu'il veut faire un nouvel avion, le motoriste puisera dans les technologies considérées comme matures pour lui proposer un moteur qui offre un gain de performance de 10 à 20% par rapport à la gamme existante", a poursuivi Marc Ventre. "Pour un motoriste c'est un travail continu, s'il n'a pas de nouvelles technologies prêtes, il ne pourra pas proposer de nouveau moteur".
Mais il arrive qu'il prenne les devants.
"Dans le cas du Leap, c'est clairement le moteur qui a précédé l'avion", affirme Marc Ventre.
Le Leap va équiper la plupart des moyen-courriers de nouvelle génération attendus cette décennie. Il succèdera au CFM56, le moteur d'avion le plus vendu de l'histoire, coproduit par GE et Safran au sein d'une filiale commune.
"Quand en 2008, au salon de Farnborough, nous avons annoncé que nous étions capables de proposer un nouveau moteur avec de nouvelles technologies qui apporteraient 15 à 16% d'amélioration de consommation, aucun des avionneurs ne lançait un nouvel avion", rappelle-t-il.
Ca n'a pas trainé. Le chinois Comac a choisi le Leap pour lancer son C919 en 2009. Airbus a lancé l'A320Neo en 2010, en proposant à ses clients soit le Leap soit le Geared Turbofan, de Pratt and Whitney, qui sera disponible un an plus tôt, en 2015. Et Boeing a suivi en 2011, en lançant son 737MAX, équipé lui du seul Leap.
Rick Kennedy évoque un autre précédent.
A la fin des années 80, la fiabilité des nouveaux réacteurs plus puissants développés par GE, Rolls Royce et Pratt, a conduit l'Organisation internationale de l'aviation civile à autoriser des biréacteurs à effectuer des liaisons transocéaniques jusque là réservées au quadriréacteurs, rappelle-t-il.
"Ce sont donc les technologies de moteurs à réaction qui ont entrainé le passage aux plus grands biréacteurs, comme le 777, le 787 et l'A350", selon lui.