Les opposants aux "usines à poulets" le présentent comme un exemple: chez l'agriculteur bio Jean-Louis Dudoux dans le Gers, les volailles mangent les céréales produites dans les champs alentours, s'abritent dans des cabanes mobiles et s'égaient à l'orée des bois.
La crise que traverse la filière avicole, cet éleveur ne la connaît pas. Il n'a besoin d'aucune publicité pour écouler les 960 pintades et 8.800 poulets qu'il élève, en une année, sur un parcours de quatre hectares de champs et de bois.
"J'en manque en permanence, les clients sont obligés d'attendre", explique, sans fanfaronner, ce Gersois de 56 ans.
Ancien cuisinier en brigade dans un grand restaurant de Monaco, il n'est revenu au Houga qu'en 1991 pour reprendre la ferme de ses parents. "Je faisais de la viticulture et de l'élevage de bovins. Mais je me suis intoxiqué une première fois en 1995 en inhalant des produits de traitement puis à nouveau en 1997", raconte-t-il.
"Au centre anti-poison à Toulouse, ils m'ont dit qu'il y avait énormément de cancers chez les viticulteurs: ça a été terminé, je me suis converti au bio à 100% en 1999. Je ne peux plus prendre de l'eau propre, mettre un produit chimique dedans et empoisonner le sol".
En short sous la pluie d'automne, son grand chien blanc sur les talons, il conduit vers une parcelle verdoyante d'un demi-hectare où 700 poulets se promènent autour d'une "cabane mobile". "Quand les poussins arrivent d'un couvoir, toutes les trois semaines, je lave une cabane, lui mets des roues et la déplace comme une caravane. On replace ainsi les volailles sur un parcours sain et bien vert", dit-il.
Dans les arbustes, pintades ou poulets aiment se tenir perchés et y restent souvent dormir, l'été... Quant à leur alimentation, elle est forcément bio - et locale. Ici, pas de tourteaux de soja importés de Chine ou du Brésil. L'agriculteur cultive lui-même 90 hectares de maïs, soja et blé tritical résistant aux maladies.
La Bretagne citée en contre-exemple
"Il est emblématique du type d'élevage que nous souhaiterions voir se développer: il produit l'alimentation de ses volailles et c'est aujourd'hui l'exception", commente François Favre, vice-président de Bien vivre dans le Gers. Depuis deux ans, cette association s'oppose farouchement à des projets d'élevage de poulets "standard" en lieux clos, et a déposé un recours devant la justice administrative pour contester une décision préfectorale de les autoriser.
Le contre-exemple, assure M. Favre, "c'est la Bretagne" où le groupe volailler Doux, aujourd'hui en crise, avait très tôt pris la voie du poulet industriel. "Dans ces élevages à la lumière artificielle, on produit des poulets en cinq semaines, tellement serrés - à 24 sur un mètre carré - qu'ils ont du mal à tenir debout et développent des maladies. C'est tout un système basé sur l'argument, fallacieux selon nous, qu'il faut faire de la mauvaise viande pas chère pour nourrir les pauvres", assène-t-il.
Son association soutient, en revanche, la filière bio mais aussi la production label rouge "poulets fermiers du Gers".
Quand un poulet d'élevage industriel est abattu à partir de 34 jours, un "label" ne l'est pas avant 81 jours. Et chez M. Dudoux, les poulets "cou pelé", à croissance lente, sont tués "entre 95 et 120 jours".
L'agriculteur confesse bien avoir quelques soucis: les intempéries lui ont fait perdre une bonne part de sa récolte de céréales, 500 poulets lui ont été volés en une nuit et des rapaces attirés par le voisinage d'une décharge à ciel ouvert emportent ses volailles dans les airs...
Mais il reste maître de sa production et ne manque jamais de clients: les plus grosses volailles, à 25 euros pièce, partent jusqu'à Nancy, chez un traiteur de luxe. "Je vends aussi sur les marchés, livre des magasins bio, des comités d'entreprise et un supermarché qui m'achète mes poulets au prix que j'ai fixé: 7 euros le kilo".
Selon l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, en 2011, 1% des poulets vendus en France étaient bios.