PARIS (Reuters) - Manuel Valls a évoqué lundi de premières pistes pour renforcer la lutte contre la menace terroriste en France, notamment la possibilité d'isoler des détenus déjà radicalisés des autres, tout en se montrant prudent sur l'idée d'un "Patriot Act".
Le Premier ministre, qui a confirmé le maintien à son plus haut niveau du plan Vigipirate, a déclaré sur RMC et BFM TV souhaiter que des mesures soient prises très rapidement mais en faisant primer "le droit" et "la démocratie", après les attentats qui ont fait 17 morts la semaine dernière.
"Il faut (...) réfléchir vite, pas dans quelques mois, réfléchir très vite aux dispositifs qui doivent être améliorés pour renforcer la sécurité de nos compatriotes", a-t-il dit.
"S'il faut, à une attaque exceptionnelle par sa violence et sa barbarie, une réponse d'une très grande fermeté, et donc une réponse exceptionnelle, pour cela elle doit reposer sur le débat, la concorde nationale et dans le cadre du Parlement, nous en reparlerons", a-t-il ajouté.
Le Premier ministre a toutefois déjà évoqué les pistes de réflexion de l'exécutif, autour de deux points essentiels : le renseignement, dans lequel des failles ont sans doute empêché d'éviter les attentats, et la prison.
Chérif Kouachi, auteur avec son frère Saïd de l'attentat contre Charlie Hebdo, qui a fait 12 morts, et Amedy Coulibaly, meurtrier d'une policière et de quatre juifs dans une supérette casher, se sont rencontrés en prison.
"Il y a évidemment un travail sur les prisons (...) c'est une priorité majeure", a-t-il dit à l'heure où les autorités politiques et judiciaires s'inquiètent de la radicalisation des détenus, proposant d'isoler certains détenus.
"On sépare un certain nombre d'individus qui présentent un danger pour d'autres qui arriveraient en prison, puisqu'ils souhaiteraient les radicaliser", a-t-il proposé.
Le directeur de la prison de Fresnes (Val-de-Marne) teste depuis la mi-octobre un regroupement des islamistes radicaux, pour voir si un tel "découpage" peut juguler la contagion. Une idée sur laquelle la ministre de la Justice Christiane Taubira s'est dite "très réservée" en fin d'année dernière.
La chancellerie a lancé un appel d'offres pour entraver le discours radical et accompagner ses victimes. Les résultats de celui-ci devaient être connus en début d'année.
PAS DE "PRÉCIPITATION"
Ce travail irait de pair avec celui sur le renseignement, pour lequel Manuel Valls a promis "davantage de moyens" humains, ainsi que la prise en compte des "problèmes de lois ou des problèmes juridiques pour améliorer encore la possibilité des systèmes d'interception, d'écoutes".
"Il faut sans doute être plus performant", a-t-il dit, en espérant que la loi sur le renseignement en préparation puisse être "donnée dans trois ou quatre mois au parlement" et porte "des propositions que nous pourrions élaborer dans un cadre bipartisan".
Douze 12 personnels se consacrent aujourd'hui au renseignement pénitentiaire, et la question du renforcement de ces effectifs est posée, disait-on déjà à la chancellerie avant les attentats.
Manuel Valls s'est toutefois montré réservé lundi sur l'idée d'un "Patriot Act" à la française, référence aux mesures prises par les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, qu'a appelé de ses voeux l'ex-ministre UMP Valérie Pécresse.
"Attention à toutes les procédures d'exception", a-t-il dit en invoquant "ce qui s'est passé quelques années après en Irak", pays envahi en 2003 par une coalition sous commandement américain et qui a ensuite sombré dans le chaos interreligieux.
"La précipitation et l'inventivité (...) seraient également une mauvaise solution", a-t-il souligné.
Il a enfin rappelé qu'il était nécessaire d'améliorer la "prévention", pour éviter que de jeunes gens soient tentés par un départ en Irak ou en Syrie, sans donner de mesure précise mais en définissant une priorité : "travailler sur internet".
"C'est là où une partie de la radicalisation se forme", a-t-il dit. "Mais pour cela, il faut des moyens (...) Nous créons des postes supplémentaires. S'il faut en créer davantage, (on) le fera parce que la sécurité des Français ne peut pas se discuter."
(Gregory Blachier, avec Chine Labbé, édité par Yves Clarisse) 2015-01-12T111227Z_1007180002_LYNXMPEB0B0GC_RTROPTP_1_OFRTP-FRANCE-S-CURIT-VALLS.JPG