par Benjamin Mallet
PARIS (Reuters) - L'action Areva plonge mercredi à la Bourse de Paris au lendemain de la suspension des objectifs financiers du spécialiste français du nucléaire pour 2015 et 2016, qui soulève la question de sa recapitalisation.
Le titre, qui avait été suspendu mardi après-midi, a repris mercredi en baisse de 19% pour tomber quelques minutes plus tard à son plus bas niveau depuis fin juin 2012.
A midi, il plongeait de 17,15% à 10 euros dans des volumes très étoffés représentant plus de 12 fois leur moyenne quotidienne des trois derniers mois sur Euronext.
Areva, dont l'Etat français contrôle près de 87% du capital, a précisé mardi que la suspension de ses objectifs était notamment due aux retards du chantier du réacteur EPR finlandais Olkiluoto 3 et aux glissements dans le calendrier de redémarrage des centrales nucléaires au Japon.
Il a aussi rappelé que le report de certains encaissements était susceptible d'affecter cette année le niveau de son cash-flow opérationnel libre, alors que cet indicateur de sa capacité à autofinancer ou non son développement était prévu "proche de l'équilibre".
"Areva a publié un cash-flow opérationnel libre négatif depuis 2005 et cela semble devoir continuer", relèvent dans une note les analystes de Société générale, pour qui "il semble clair qu'Areva aura besoin d'une injection de cash à court terme".
Pierre Boucheny, chez Kepler Cheuvreux, estime que la dette d'Areva devrait être de 5 milliards d'euros en moyenne au cours des deux prochains exercices, pour un résultat brut d'exploitation (Ebitda) inférieur à 1 milliard, et n'exclut pas un scénario de recapitalisation de 1,5 milliard à 2 milliards d'euros.
Selon les données Thomson Reuters, Areva devra faire face à 1,25 milliard d'euros de dettes arrivant à échéance en 2016, un montant représentant près de 20% de l'ensemble de sa dette encore en circulation.
La question d'une participation d'EDF à une augmentation de capital, voire d'une alliance avec l'électricien public, pourrait se poser. Premier client d'Areva, EDF détient actuellement environ 2% de son capital.
EDF et Areva n'ont pas souhaité s'exprimer sur le sujet et le ministère de l'Economie n'a pas fait de commentaire dans l'immédiat.
Le président d'Areva Luc Oursel, et avant lui Anne Lauvergeon, ont cependant régulièrement écarté ces dernières années l'hypothèse d'une fusion avec EDF en évoquant le risque de voir les autres électriciens se détourner d'Areva.
"SÉRIEUX PROBLÈME DE VISIBILITÉ"
L'Etat va cependant instaurer une nouvelle gouvernance chez Areva et placer à sa tête Philippe Varin, qui va aussi faire son entrée au conseil d'administration d'EDF, avec pour objectif affiché de rapprocher les deux groupes.
Areva a précisé mardi qu'il travaillait à un "renforcement de son plan de performance", à une révision de son plan de financement à moyen terme. Il a prévu d'annoncer de nouvelles perspectives financières pour la période 2015 à 2017 d'ici à la publication de ses résultats de 2014, programmée en février 2015.
En dehors des difficultés en Finlande et au Japon, la société subit l'atonie persistante du marché des services aux centrales existantes, y compris sur le parc français, et les retards dans les nouvelles constructions de réacteurs par rapport à ses hypothèses.
Evoquant "des incertitudes majeures concernant la trajectoire financière du groupe" et "au minimum, un sérieux problème de visibilité", Natixis a abaissé sa recommandation sur Areva d'"acheter" à "neutre", avec un objectif réduit de 21 à 10,8 euros.
Menacé de voir ses notes de crédit basculer en catégorie spéculative par S&P, le groupe a annoncé début octobre son intention de réduire ses investissements bruts de 200 millions d'euros à moins d'un milliard par an sur la période 2015-2016 et de céder au moins 450 millions d'euros d'actifs.
Il a toutefois récemment dû reporter une émission de dette hybride en évoquant des conditions de marché défavorables.
EDF (-0,3% en Bourse) a par ailleurs annoncé mardi un nouveau retard dans la construction du réacteur EPR de Flamanville, conçu par Areva, dont le démarrage est reporté d'un an à 2017.
(Avec Alexandre Boksenbaum-Granier et Jean-Baptiste Vey, édité par Dominique Rodriguez)