François Hollande a misé gros en faisant de l'inversion de la courbe du chômage pour la fin 2013 l'ambition première de son début de mandat, un volontarisme qui suscite les railleries de l'opposition et les doutes de la presse."Cette bataille (du chômage), nous allons la gagner", a lancé encore vendredi le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, lors d'un déplacement à Lorient (Morbihan), malgré l'annonce la veille d'une hausse du nombre de chômeurs en novembre.Jeudi, le président Hollande s'était montré encore plus déterminé en déclarant que l'inversion de la courbe du chômage était "bien amorcée". Il s'agit là d'"une vérité", a insisté le ministre du Travail, Michel Sapin, en analysant dans le détail les chiffres de novembre.Ceux ci font apparaître néanmoins que le chômage est reparti à la hausse, avec 17.800 demandeurs d'emploi supplémentaires. Il ne reste plus donc que les chiffres de décembre, attendus fin janvier, pour que le pari de François Hollande puisse tenir.Le président doit "prendre acte de son échec" et opérer un "changement de politique économique", a exhorté le président de l'UMP, Jean-François Copé.Le pays "n'est pas dans une optique d'inversion de la courbe du chômage" mais "au mieux" dans "une stabilisation", a estimé le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly.Et pour plusieurs éditorialistes vendredi, François Hollande est en plein "déni".En tous cas, il "joue très gros", commente pour l'AFP Jean Viard, du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof)."Il a un peu tout misé la dessus, d'autant plus que depuis la rentrée, la période a été particulièrement propice en difficultés", renchérit Eddy Fougier, de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).Et le début de 2014, rappelle le chercheur, va être marqué de surcroît par la hausse de la TVA, avant des élections municipales, en mars, et européennes, en mai, à l'occasion desquelles les chiffres du chômage et son évolution devraient peser lourd.Dominique Wolton, du CNRS, et Jean Viard concèdent qu'afficher un tel objectif d'inversion de la courbe peut constituer un moyen de "mobiliser la société" et même "entraîner une forme de confiance".Mais en cas de revers, une grande partie des Français peut y voir au contraire "un nouvel aveu d'impuissance des politiques face au chômage", relève Eddy Fougier."La piqûre sans la souffrance"Pour que l'indice de popularité de l'exécutif remonte dans les sondages, il faut que la courbe du chômage "baisse, et de façon régulière, plusieurs mois d'affilée", souligne Gaël Sliman, de l'institut BVA.Lui juge qu'il y a un "vrai bug de communication" quand l'exécutif s'efforce d'expliquer que l'inversion du chômage est là alors que les derniers chiffres des demandeurs d'emploi sont à la hausse."Entre ralentissement et recul, ce n'est pas la même chose", s'insurge aussi Jean Viard, qui voit dans ces chiffres l'illustration d'un constat plus général: "La France ne sort pas à la vitesse prévue de la crise", alors que pour plusieurs autres pays c'est le cas.L'Espagne "nous taille des croupières" sur le marché des exportations et "sort de la crise avec un coût du travail très bas", ajoute ce spécialiste, selon lequel l'exécutif pourrait être conduit à s'atteler, après les élections, à des "réformes plus radicales", en particulier au sujet du coût du travail. "La concurrence inter-européenne, selon lui, pousse la France à la réforme".Eddy Fougier considère aussi que les prochains chiffres de la croissance vont mettre en évidence que la France est en "queue de peloton" par rapport à l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, ou encore l'Espagne qui pratique une "politique d'austérité drastique".Selon lui, "ce contraste de l'activité économique" entre la France et les autres pays "va revenir sur le devant de la scène", poussant l'exécutif à s'engager dans des réformes plus radicales.François Hollande était jusqu'à présent partisan de la réforme "sans que ce soit trop douloureux. La piqûre sans la souffrance".Mais un "choc électoral" aux municipales et surtout aux européennes, conclut-il, "pourrait amener un choc politique de la part du gouvernement. "Quoi qu'il en soit, il devra réagir d'une manière ou d'une autre".